Dans ma peau par Voracinéphile
Quel thème aussi torturé et aussi intense que l’auto-mutilation. Masochisme extrême dont la signification change pour chacun de ses pratiquants, l’acte est régulièrement perçu comme une volonté d’auto-punition (voir Antibodies et sa séance d’agrafeuse), comme un aphrodisiaque exotique (c’est le cas dans beaucoup de nanars et de films « empoisonnés »)… Mais elle est dans ces cas là assumés. Or ici, la protagoniste prend conscience de son addiction à la pratique, sans pour autant parvenir à complètement expliquer les raisons qui la poussent à meurtrir davantage sa peau, à élargir ses plaies, à en créer de nouvelles… C’est la pression du climat psychologique qui semble provoquer des crises d’angoisse (extrêmement troublante scène du repas d’affaire où notre personnage perd le contrôle de ses membres, qu’elle finit par voir complètement déconnectés de son corps) à l’origine de ces crises. C’est sur la précision du portrait psy que le film se révèle donc précieux, puisque el un portrait, il se refuse à lancer toute analyse de son personnage, laissant le spectateur témoin et l’abreuvant de détails du quotidien, dont l’accumulation fini par donner des pistes sur la psychologie de notre héroïne. Le portrait sera donc d’autant mieux esquissé que l’héroïne n’assume pas publiquement sa tendance à la mutilation, et qu’elle passe une bonne part de son temps à tenter de la dissimuler (jusqu’à l’absurde, justifiant des traces évidentes d’auto-morsures par un accident de voiture). Enfin, si le film demeure profondément ancré dans un contexte réaliste et très matériel (on est également immergé dans le monde du travail de la protagoniste (conseillère en communication et marketting, et on ne ratera rien de sa romance avec Laurent Lucas), il amorce régulièrement des déconnections, souvent précédent les crises. Des décalages sonores, des plans flous, tout un panel de procédés cinématographiques appuyant le malaise, jusqu’à la séquence quasi Depalmienne où, alors que nous continuons à entendre notre personnage évoluer dans une rue, nous voyons sur l’écran coupé en deux différents détails annonçant déjà la grosse crise de scarification à venir. Si le film évite de faire dans le gore qui gicle, il se révèle particulièrement piquant dans l’usage de l’hémoglobine (parfois très ketchup), en en mettant juste assez pour provoquer quelques frissons nauséeux parfaitement adaptés au sujet. S’ajoute à cela la performance de Marina de Van, complètement impliquée dans son rôle ambigu et jusqu’auboutiste. Au vu de l’excellent travail mené sur le suivi psychologique, on peut regretter l’absence d’une fin digne de ce nom, malgré les plans magnifiques qui nous ont tout de même été offerts lors du dernier quart d’heure (les errances de notre personnage mutilé nous propulsent quand même loin des films d’auteur classiques). Mais pas de quoi se plaindre vraiment, le résultat se révèle à la hauteur des attentes. Un excellent premier film, malgré la sensation d’inabouti.