The West Wind
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Dance avec les loups porte en lui le mythe originel de l'Amérique, aussi dramatique que les Raisins de la colère, aussi contemplatif que la poésie de Walt Witman et aussi aventureux et romanesque Qu'autant en emporte le vent. Exalté de découverte, déroutant de sauvageté, terrifiant de mort, de deuil et de souffrance.
L'histoire est simple, la trame très classique et plusieurs fois racontée au cinéma. Elle s'inscrit sur la route de tous ces films post coloniaux culpabilisant ou mièvres, de Pochahontas à Avatar en passant par Le Dernier Samouraï. Mais le film évite l'écueil de la naïveté et du mythe du bon sauvage d'une part parce que l'autochtone n'est pas que bon, parce qu'il se garde de tout manichéisme pour se concentrer sur les hommes. Les pawnees, amérindiens présentés dans le film sont une tribu terrible et cruelle. D'autre part parce que la mise en scène est grandiose, spectaculaire, portée par une splendide bande originale.
On aurait tort cependant de résumer le film à la réhabilitation des indiens. Le film c'est d'abord celui de la conquête, des grandes espaces de l'Amérique. C'est une odyssée sauvage, un mythe froid et réaliste. Car la conquête est violente. Elle arrache les protagonistes à leur terre. Le colonel Dunbar est un déraciné, d'abord par la guerre qu'il embrasse comme la mort, puis dans son exil volontaire aux confins de le civilisation; tout comme Chaussette, ce loup errant qu'il parvient à apprivoiser; tout comme cette femme blanche adoptée par les indiens; et tout comme ces indiens, repoussés par les blancs toujours plus loin vers l'ouest. Et même ce major, chargé de donner sa nouvelle affectation au colonel, dirigeant un fort perdu au bout monde, croule sous la chaleur du ciel et la déréliction. Ce vide immense, cette violence de la terre américaine elle pousse à la mort, volontaire ou non, inexorable. Le major se tue, rendu fou par la guerre et Dunbar n'y parvient pas, sauvé par une étrange destinée, celle de sa rencontre avec l'Ouest, l'immensité sauvage des Amériques va comme le réconcilier avec lui-même.
Il y a quelque chose des Conquérants de Hérédia dans ce film. "Ivres d'un rêve héroïque et brutal". La conquête de l'ouest est violente. Elle est misérable aussi, à l'image de ce guide crasseux qui conduit Dunbar à sa nouvelle affectation. On retrouve la figure du western sale qu'avait si bien décrite Sergio Leone mais qui a quelque chose ici des figures littéraires de Steinbeck. Il nous rappelle que les colons étaient de pauvres hères en quête des richesses d'une terre hostile et inhospitalière.
Le film enfin dépeint le choc des civilisations, cette idée si américaine, profondément ancrée dans son histoire et qui a fait date sous la plume de Samuel Huntington, dans un autre contexte. Les indiens et les américains ne peuvent se comprendre. Seul le curieux Dunbar va parvenir à entrer dans leur tribu et tenter de concilier les inconciliables, du moins le croit-il. Car après son aventure indienne, tandis que l'hiver immacule les immenses plaines d'Amérique, rentrant au fort, il découvre les siens hostiles, racistes, violents. Il doit choisir. Déserteur il abandonne alors le monde civilisé pour celui des indiens. Il le fait par amour aussi. Cette jeune femme adoptée par les indiens, dont les parents, des colons, avaient été sauvagement tué par les pawnees, elle est le pont entre les deux mondes que le film veut concilier.
Le film laisse amer et contemplatif. Son sujet c'est d'abord cette nature, infinie et sauvage, dont on s'imagine la chevauchée fantastique au dos d'un destrier fabuleux. Il s'ancre dans l'histoire américaine, dans sa mythologie, du bison au tipie, de la hampe du fusil aux pierres rouges du désert. D'un regard on se perd dans l'immensité du rêve des conquérants américains, des pionniers d'autrefois et c'est tout un imaginaire qui surgit, un rêve d'enfant, rattrapé par sa violence primitive.
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Créée
le 16 avr. 2015
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