"Darkman" de Sam Raimi est un objet étrange.
Dix ans avant que les super-héros n'envahissent totalement les écrans avec "X-Men", le réalisateur de la trilogie "Spider-Man" avait imaginé son propre super-héros, sorte d'Elephant Man à l'esthétique "Burtonienne" (qui venait alors de sortir son "Batman").
Le synopsis n'a rien de renversant pour quiconque ayant déjà vu un film de super-héros dans sa vie. Un (gentil) scientifique travaillant sur la modélisation et la reconstruction de cellules de peau est attaqué par des (méchants) bandits voulant mettre la main sur un document qui s'est retrouvé (par hasard) en sa possession, et qui témoigne de collusions entre un riche magnat de l'immobilier et un groupe de mafieux.
Grièvement brûlé et défiguré, Liam Neeson (puisque c'est lui), cherche la vengeance (de manière plus stylée que dans "Taken").
On échappe donc pas aux clichés du genre. Le héros a peur que sa fiancée (très bien jouée par Frances McDormand) le rejette en le voyant sous son vrai jour, les méchants sont très méchants et absolument pas fins (ils tirent quand même au lance-roquettes sur un hélicoptère de Police), la demoiselle se retrouve en détresse, bref...
Et c'est vraiment dommage parce que le film regorge de bonnes idées.
En termes de mise en scène, l'ouverture avec les deux gangs s'affrontant à l'intérieur d'un hangar au volant de leurs voitures est tellement hallucinée qu'elle en devient géniale. L'utilisation d'objets, en apparence mineurs, pour créer de la tension, est également un bon point (la figurine qui se balance au dessus du briquet, la prothèse de jambe cachant une mitrailleuse...).
Certaines transitions, si elles paraissent kitsch et datées, n'en restent pas moins inventives et intéressantes (notamment la transition avant la scène de l'"enterrement"), un peu dans la veine du "Hulk" d'Ang Lee.
En ce qui concerne les scènes d'action, on apprécie le fait que Sam Raimi pioche du côté du cinéma d'horreur (ou plutôt de séries B) pour rendre compte du caractère malsain, parfois sadique du "héros" (la scène de la bouche d'égout en est le parfait exemple).
L'émotion n'est pas en reste puisque Raimi exploite assez habilement la thématique du "masque" (qui n'est pas que métaphorique, ici), et nous surprend avec des scènes tellement proches du ridicule qu'elles créent une vrai dimension dramatique (L'exemple du "lapin rose". Ceux qui ont vu le film comprendront).
Le héros, dénué de tout pouvoir (à part son insensibilité à la douleur), use d'artifices assez peu communs dans les film du genre pour accomplir sa vengeance, et ça aussi, c'est un bon point. Sa "descente aux enfers" et ses excès de rage proches de la folie lui ajoutent également une certaine profondeur.
Malheureusement, tout cela ne parvient pas à atténuer les principaux défauts du film, à savoir un scénario sans grande originalité (quitte à créer un super-héros nouveau, autant ne pas faire une origin-story si basique), des effets spéciaux très cheap (même pour l'époque), et une méchante tendance à aller piocher dan la boutique de Burton sans parvenir à en capter l'essence.
Toutes les scènes d'action avec l'hélicoptère m'ont intrigué... Sachant que le budget et la technique étaient largement insuffisants pour les rendre crédibles, pourquoi ne pas s'en être tenu à une action reposant plus sur le suspens, les changements de visages du héros...? Ca fonctionne bien jusqu'à ce déchaînement d'explosions du plus mauvais effet. Et puis quand on pense à "Dark Man", un mec qui assassine des gens dans la rue de nuit, ça nous parle plus qu'un type qui reste accroché pendant dix minutes à la corde d'un hélicoptère (qu'aucun méchant ne parvient à couper, semble-t-il...).
Et puis il y a le combat final contre le grand méchant homme d'affaires corrompu... Et ça pique. Entre les tirades atrocement clichées, un combat en hauteur ridicule au possible, les punchlines molles... Rien à sauver dans cette scène, et c'est dommage vu que c'est sensé être l'apogée de la tension. Enfin, avec le temps, on a fini par comprendre que faire un bon méchant, c'était pas dans les cordes de la plupart des films de super-héros (Ulton, "Francis" de Deadpool, Zor dans "Man of Steel", Red Skull, L'abomination de l'"Incroyable Hulk, et j'en passe).
Tout ça nous ferait presque oublier la scène finale, très réussie et lourde de sens.
Kitsch, bancal, parfois touchant, parfois inventif, parfois ridicule, "Darkman" est à l'image de son héros: Rafistolé.