Scruter la monotonie du réel et du quotidien pour en apprécier encore plus la surprise subite, le geste d'une beauté rare qui d'un coup, tord la ligne droite de la vie. Days de Tsai Ming-liang est un croisement des chemins. Une oeuvre hautement (et lentement) naturaliste qui cherche perpétuellement à faire ressentir le besoin pressant que quelque-chose doit se passer. Un quelque chose, d'attendu ou non, qui doit impérativement venir changer le cours des choses et ainsi recouvrir la solitude dévorante à travers le prisme d'une nouvelle couche : un moment qui se transforme rapidement en souvenir, et qui continuera de résonner au fin fond du cœur.
Ces deux personnages sont comme complémentaires finalement. Une sorte de Yin et de yang programmés depuis toujours pour se croiser le temps d'une nuit à travers le calme d'une chambre d’hôtel et d'un petit repas situé au cœur de la ferveur de la ville. L'un est victime de douleur au cou et au dos, devant perpétuellement avoir recours à la médecine et aux massages pour apaiser ses douleurs. L'autre s’avère pour le coup être un homme habile de ces mains, à la fois pour la cuisine dont il maîtrise les gestes et la passion, ainsi que pour le domaine du massage et de la connaissance du corps (pratique qui se détériore aussi dans la prostitution dont les bénéfices lui font gagner quelque-peu sa vie). Opposés mais complémentaires, sont ces deux hommes liés par la solitude. Solitude lié à leurs handicap, leurs timidité ou à leurs orientation sexuelle parfois difficile à satisfaire ? Tsai Ming-liang décide, comme un magicien, d'enfin les lier et ainsi créer une sorte de croix où les premières lignes du bas signifient la vie solitaire, monotone et sans beauté. Le croisement du milieu comme cette rencontre magnifiquement symbolisée par cette petite boite à musique lançant le thème du film Les Feux de la rampe signé Charlie Chaplin. Enfin, les lignes du haut comme la séparation des chemins, mais dont l'esprit et le cœur se retrouveront à jamais chamboulés.
Days de Tsai Ming-liang abandonne la parole, laissant simplement les plans s’exprimer par eux mêmes. Ces plans ne peuvent être des artifices, tant leurs réalistes longueurs rappellent sans cesse le véritable écoulement de la vie. Il y'a vraiment quelque chose de beau dans ce film, peut-être difficile à voir au premier abord, mais dont le geste se conjugue finalement comme une véritable expérience dont l'ont est fier de sortir. Une sortie qui nous rend peut-être émerveillée, triste ou tout simplement conscient de la beauté de la vie.