Le sujet est porteur, les éléments convoqués plutôt fertiles. Pour son quatrième film, Jacques Audiard monte d’un cran un certain nombre de ses ambitions : un comédien alors incontournable (Romain Duris, fidèle à lui-même dans son registre intense et brut de décoffrage, pseudo naturaliste) un même terreau criminel, une forte dose de dénonciation et une thématique de la rédemption par les vertus toutes intellectuelles de la musique classique.
Présentés de cette manière, la condamnation pourrait être sans appel sur ce film dans lequel il reste pourtant des éléments à sauver ; les séances musicales compliquées par la barrière de la langue avec la répétitrice chinoise sont plutôt réussie, de même que la partition de Niels Arestrup est, comme à chaque fois, mémorable. L’atmosphère générale, dans cette urbanité décatie, servie par une photographie brute et un équilibre de la mise en scène qui sait ne pas trop en faire dans l’illusion du documentaire caméra à l’épaule, est elle aussi efficace.
Mais les maladresses restent légions. Audiard ne sait où donner de la tête tant il aborde de sujet simultanés : la dénonciation du cynisme des agents immobiliers, le sort des squatteurs, le rapport au père, aux femmes, au crime organisé… les épaules du protagoniste semblent bien fragiles pour supporter toutes la misère du monde, tout comme l’est la patience du spectateur de plus de quinze ans.
Voulant tout traiter, Audiard multiplie les raccourcis et le film perd en crédibilité : le parcours du personnage est une ligne droite vers la prise de conscience, des méchantes murges des capitalistes au musicien sensible qui sépare les bagarreurs, de fils soumis à l’adulte épanoui. C’est d’autant plus irritant qu’on sent clairement ce désir du réalisateur de ne pas rompre avec ce milieu qui le fascine tellement. Si Tom s’en affranchit, c’est pour mieux mettre en branle une mécanique tragique cousue de fil blanc où les criminels, de plus en plus dangereux, occasionneront de sa part une virilité à leur mesure : la scène ridicule avec Mélanie Laurent en témoigne, tout comme le final, déchaînement dans une cage d’escalier qui nous fait penser que l’auteur de Dheepan a quelques fixations à régler s’il veut un jour évoluer vers un cinéma moins binaire.