De battre mon coeur s'est arrêté...
J'ai revu il y a peu De battre mon coeur s'est arrêté, sept ans après sa sortie au cinéma...Impossible pour moi d'exposer les raisons objectives qui m'ont fait aimer ce film, aussi l'emploi de la première personne me semble inévitable (10 étant sans doute la note la plus subjective qui soit puisque c'est souvent à cette échelle que se placent nos coups de coeur...)
Ce film, c'est mon premier Jacques Audiard, mon premier Romain Duris. Un moment de cinéma comme je les aime, marquant, inoubliable. Un film que j'ai très longtemps eu peur de revoir tant son souvenir m'était positif. Je craignais de ne pas être aussi emballée qu'autrefois, que ma note ne soit plus justifiée...Je me demandais même si je n'en viendrais à pas à me demander ce qui à cette époque m'avait tant plu...
Mais non, même si je voulais me montrer raisonnable, je ne pourrais pas : c'est trop haut, sans aucun doute, mais impossible pour moi de le redescendre. Ce film m'a envoutée de la plus belle des manières. Je l'aime sans mesure, et reste surprise à chaque instant comme si je redécouvrais le tout.
Flous et plans serrés pour filmer l'histoire d'un homme dont la vie semble écrite et programmée d'avance. Tom est pour ainsi dire conçu pour suivre la voie de son père, disons en tout cas qu'il est bien parti pour... Mais c'est sans compter l'omniprésence du souvenir de sa mère, et surtout la place qu'occupait autrefois en lui la musique. On ne peut pas chasser qui l'on est, ce que l'on est. Tom a dans la peau cet amour des sons qu'il ne pourra jamais chasser : ainsi, bien des années après avoir effleuré sa dernière touche blanche, il sera irrémédiablement poussé à y revenir.
Romain Duris, ses yeux fugitifs, ses larmes déchirantes. Ses tremblements permanents, et le cruel dilemme auquel il doit faire face. La passion enfouie au fond de lui, la violence qu'il ne contrôle pas. Et son amour naissant pour la femme qui symbolise en lui le changement.
Si ses amis et son père le trouveront changé quand la musique retrouvera chez lui une place centrale, les artistes le découvriront étrangement colérique, stressé et impatient. Cette exigence et cette répétition permanente qui sont de rigueur dans le milieu musical lui sont étrangères, et ses excès de colère témoignent de la difficulté qu'est la sienne à voir les choses lui résister.
A la croisée de deux mondes, voulant changer sans pour autant y parvenir, choisir la musique ne suffira pas et son passé le rattrapera à grandes enjambées...
Tout est merveilleusement retranscrit, superbement interprété. De battre mon coeur s'est arrêté allie douceur et violence, beauté et cruauté, de l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas...
Les alternances musicales, du classique au moderne, fonctionnent à merveille et illustrent bien la dualité du personnage de Tom. Pour ne prendre qu'un exemple, s'il sort d'une audition on le verra enfiler directement son walkman au volume sonore le plus élevé possible, beau contraste quand on vient de jouer du Bach !
Et la scène finale (risque de spoil ? Euh pas vraiment hein) résume parfaitement les deux aspects du personnage : la respiration saccadée, le visage ensanglanté, l'esprit ailleurs. Et pourtant, son sourire revient peu à peu, on lit en lui le bonheur de la voir jouer, et on voit petit à petit la musique s'emparer de tout son être...Le calme après la tempête.
Ah Jacques Audiard, je t'aime pour ce film. Et je sais que, malheureusement, aucune autre de tes réussites ne saura me toucher de la sorte...De même pour Romain Duris, que beaucoup connaissent uniquement dans des rôles principalement comiques, moi je l'ai connu là, et quand on me parle de l'acteur, je garde avant tout à l'esprit cette très grande performance.
J'aime ce film comme j'aime la musique, passionnément, intensément...