Lorsqu'on ne peut que pleurer...
Difficile de trouver des mots pour parler d'un tel film. Aucun argument ne semble avoir de valeur face à ce chef-d'œuvre. Ce film a ce qu'il faut d'inexplicable pour être placé sur un piédestal et rester à jamais dans votre panthéon personnel : inatteignable dans sa catégorie.
Ce ne sont pas les qualités qu'on aime à trouver habituellement à un film qui font de L'incompris un moment à part, c'est avant tout l'impact qu'il a sur le spectateur. Regardez le, revoyez le. Une fois, deux fois, trois fois (...). Votre réaction ne changera jamais, le bijou de Comencini gardera toujours, et sans peine (bien entendu, c'est une façon de parler !), la force du premier visionnage.
L'Incompris, c'est l'histoire d'un enfant qui se retrouve seul au monde à la mort de sa mère. Cette mère qu'il chérissait et qu'il décrira toujours, même partie, comme la personne qui le comprend le mieux. Cette mère que nous, spectateurs, ne connaitrons jamais autrement qu'en tableau et en enregistrement audio. C'est ainsi que Comencini exprime le vide. Nul besoin de retour en arrière douteux, son image est omniprésente : dans chaque pensée, dans chaque geste d'Andrea.
Nous ne parvenons pas à en vouloir au père, même si l'on ne peut que déplorer son aveuglement. Son amour est caché, sincère, mais profondément enfoui. "On ne se rend compte qu'on aime une personne que lorsqu'on l'a perdue", le proverbe trouve sans doute en ce film l'une de ses meilleures illustrations. Nous ne parvenons pas non plus à en vouloir à Milo, têtu et agaçant sans doute, mais dont la franchise et l'innocence nous charment et nous touchent. Enfant prenant son ainé comme un modèle à suivre, enfant attaché à son frère comme s'il était le seul être à pouvoir lui rappeler la maman dont il ne se souvient pas.
Ce film porte bien son titre, c'est ce qu'on ne cesse de se répéter au cours du visionnage. Tout est histoire de malentendus, de points de vue altérés d'être trop subjectifs, d'incompréhension en somme. Le spectateur regarde et se tait, bien qu'ayant maintes et maintes envies de raconter à l'un des personnages ce qu'il a vu de l'autre. Mais là encore, rien n'y changerait. Car à nouveau, Andrea porte en lui le déchirement causé par le décès de sa mère : le manque n'aura de cesse que de ne plus être vécu, et l'enfant, même s'il souhaite avec ardeur gagner l'affection de son père, ne sera heureux que lorsqu'il sera de nouveau auprès d'elle.
Mais lui seul le comprend, et encore...La déchirure qu'il porte est si grande qu'elle n'apparaît pas, ou du moins pas au premier abord. Le genre de douleur cachée, invisible d'être trop présente : un sentiment de solitude au milieu de la foule, un cri silencieux.
Difficile de rester insensible à cette fin, de toute beauté, de toute puissance : cet échange émouvant et saisissant entre un père et son fils, et ces mots cruels qui traduisent la triste réalité d'une distance involontairement installée entre eux deux. L'écriture inachevée d'une histoire d'amour entre deux être qui au lieu de s'épauler dans la douleur, furent imperceptiblement et irrévocablement séparés par la vie. Et si les larmes n'avaient pas coulé jusque là, impossible de les retenir plus longtemps.
L'incompris est une beauté simple, pure. Une merveille injustement méconnue puisqu'elle n'a été vue que 76 fois sur senscritique...Un instant de cinéma qui marque pour toute une vie, et des larmes qui reviennent systématiquement à la simple pensée de cette scène finale...