Atom Egoyan a découvert la notoriété internationale avec ce Sweet Hereafter adaptation du roman éponyme de Russel Branks (1991). Il suit une communauté du Canada rural ébranlée par la mort de l'ensemble de ses enfants, lors d'un accident de bus. L'action se déroule en plusieurs temps : dans l'avion, sur l'affaire, les flash-back avec les enfants ou leurs proches, puis un futur pas totalement clair. Le travail des auteurs consiste à ausculter les douleurs et aborder des individualités éparses malgré les apparences et surtout, cassées, par le drame qui les relient définitivement – et les forcent pourtant au retrait et au rejet d'eux-mêmes. Les personnages sont peints avec intelligence, le spectateur peut les connaître de façon assez large bien qu'il soit arrêté avant l'intimité de la plupart.
L'avocat (par Ian Holm, futur Bilbo Sacquet, déjà vu dans Alien, Kafka et Le Festin Nu) a des intentions présentées comme négatives mais sa contribution est positive. Son caractère chargé voire embrouillé en fait une sorte de gouffre nécessaire, mobilisant et aspirant les énergies sombres ou propres à abîmer. Il apporte un apaisement incomplet, vain, voire frauduleux (pour lui, le procès devra permettre de chasser les manquements, punir les incorrections ; pour eux, il y aura des coupables). Son plus grand tort est de refuser le chaos et le hasard (en atteste son « un accident ça n'existe pas ») et c'est justement ce qui maintient sa souffrance, sa honte, s'agissant de sa fille perdue dans la drogue. Forcé par sa personnalité de réprimer et refuser cet échec, il poursuit sa fuite dans la colère, entretient un besoin de justice exacerbé, développe des argumentaires passionnés mais trop secs pour les humains, trop figés pour la réalité et trop durs pour que lui-même ne soit pas déprécié. Il est parti pour devenir le malin génie du Joueur de flûte de Hamelin, légende allemande (dont le film d'animation Krysar est tiré) régulièrement citée.
Tout le monde est perçu du dehors avec un point de vue objectif et moral, se passant du magma de confusion des uns et des autres pour préférer une espèce de lame de fond lumineuse. L'ambiance tend au religieux. Une distance demeure malgré l'intensité des sentiments et des événements. Le jugement moral vient et se justifie en-dehors du champ du film, ce qui à terme donne l'impression de plaquer des principes relativement bénéfiques ou pertinents, mais oublieux des vérités, des données ou des pronostics fiables. Le dévolu jeté sur la rescapée handicapée en est emblématique ; elle sort la tête haute, se dégage du mal et de celui qui s'y ajoute (la revanche), refuse d'être un outil pour entretenir ce processus vicieux, refuse d'être un objet tout court ; mais le film est assez hypocrite, car elle est dans la perdition plutôt qu'au bord de la libération. Sa combativité a déjà trouvé ses limites et la ramène à un terrain étriqué. La situation qui lui est promise ressemble de très près à celle du dernier opus de Family Portraits (horreur dépressive). Le propos en général, clair et pédagogique, s'affaiblit à force de laïus éthérés redondants et finalement proches de la divagation sentencieuse pleine de réductionnisme bouddhiste.
https://zogarok.wordpress.com/2017/03/10/de-beaux-lendemains/