"De bruit et de fureur" de Jean-Claude Brisseau aurait pu aussi s'appeler "Plongée poétique et brutale dans les méandres de la banlieue", tellement cette œuvre est dure et puissante. Je ne connaissais pas le travail de Brisseau mis à part le film "Que le diable nous emporte" (de 2018 et également avec Fabienne Babe), que j'avais vu mais qui était un vrai naufrage cinématographique.
De bruit et de fureur capte avec une intensité rare la violence existant dans une banlieue parisienne en crise. Brisseau nous offre un film à la fois réaliste et onirique, explorant la complexité de l'adolescence dans un monde marqué par la pauvreté et les conflits, tout en y insufflant une dose de poésie et de surréalisme qui transcende le genre social.
Le film suit Bruno (Vincent Gasperitsch), un jeune garçon de 13 ans qui, en quittant la campagne pour s’installer avec sa mère en banlieue, découvre rapidement un univers où règnent la brutalité et l’injustice. Bruno rencontre Jean-Roger (François Négret) un adolescent charismatique et troublé, et à travers leur relation, Brisseau brosse un portrait sans concession d'une jeunesse en marge. Les deux protagonistes, portés par des interprétations saisissantes, incarnent une amitié vulnérable, pleine de défis, mais aussi de moments de grâce. Mention spéciale à Bruno Cremer, tout simplement excellent dans le rôle de père complètement fou et déjanté, armé d'un fusil qu'il n'hésite pas à décharger en pleine furie dans son propre appartement.
Brisseau utilise des contrastes marqués entre le rêve et la réalité pour offrir une lecture plus profonde des drames et des espérances des personnages. La caméra, à la fois fluide et impassible, capture avec justesse les espaces confinés, les immeubles gris et l’immensité du ciel, rendant les décors presque palpables.
Le réalisateur jongle habilement entre le réalisme dur et des touches de surréalisme, comme lorsque Bruno s'évade dans des rêves éveillés, ou il voit apparaître un faucon accompagné d'une femme sensuelle et maternelle, ce qui apporte une touche poétique et universelle à l’histoire.
De bruit et de fureur est un film qui m'a beaucoup bousculé et qui invite à réfléchir, mais qui surtout, touche profondément par son regard très sombre sur un monde souvent oublié. Jean-Claude Brisseau signe ici une œuvre d’une rare intensité, à la fois dérangeante et belle. En résumé, c'est une plongée inoubliable dans la douleur et la résilience de la jeunesse en mal de vivre, où chaque scène est imprégnée d’une force à la fois brutale et délicate, comme une peinture de la réalité que l’on contemple avec les yeux grands ouverts.