Bal tragique au cinéma, un mort : le spectateur.

Les films biographiques ne peuvent pas être hagiographiques, sinon ils quittent l'audacieuse promesse d'un regard un tant soit peu réaliste, certes un peu menteur et artificiel, du cinéma pour se pâmer dans la fange de l'odieuse propagande, ou pire encore, du vide absolu. Je ne sais pas exactement dans lequel de ces deux écueil s'est écrasé De Gaulle, mais en attendant de me faire sur ce point un avis tout à fait arrêté, il n'en reste pas moins une terrible sensation d'avoir regardé, l’œil hagard, un film assez médiocre et surtout terriblement ennuyeux. Non pas que le film soit historiquement faux, ou que le personnage historique De Gaulle méritât forcément un film plus critique à son égard (encore que), non pas que la période concernée, assez trouble, globalement les quelques mois précédant et suivant l'armistice, soit inintéressante, bien au contraire, ou que le film manquât de qualités esthétiques, il est même plutôt léché, mais quelque chose ne fonctionne résolument pas. Il y a un tel académisme dans ce film qu'il en devient gênant, et le spectateur a parfois l'impression de se trouver devant un mauvais téléfilm historique destiné aux enfants, tant les dialogues manquent terriblement de subtilité, le jeu de nuance ou la réalisation d'originalité.


En fait, le problème fondamental de ce film est qu'il veut trop en dire. Son ambition démesurée force alors les dialogues à devenir des paraphrases de manuels scolaires ou à reproduire des poncifs répétés à l'envie sur cette période historique particulièrement trouble. Le film aurait sans doute gagné à être plus allusif pour gagner en légèreté et ne pas sembler tout à coup indigeste tant il se force à être didactique. L'un des autres problèmes est évidemment ce grand et profond manque de nuance sur le personnage qui campe un messie sans vice ni zone d'ombre, alors que le personnage en a tant, notamment sur ceux qui le rejoindront à Londres, ainsi que ses lectures maurassiennes et j'en passe. Faire du Général De Gaulle un père de famille parfait, amoureux transi pro-handicap et moralement irréprochable me parait aussi convenu que banal, et surtout paraît en partie éluder la complexité des relations entre Pétain et lui, qui ne sont certainement pas aussi tendues et aussi contradictoires que le film se tue à le dire. Ensuite, et c'est peut être le plus grave, le jeu des acteurs, notamment du protagoniste ou encore de Churchill, est d'une grossièreté absolument peu convaincante, car il ne parvient pas à transcender les idéaux types pour être réellement authentique. Pour finir, le film ne brille pas non plus par son rythme, à la fois improbable et lent, à la structure chronologique mais finalement d'une linéarité à peu près aussi longue que la corde utilisée par les spectateurs de la salle de cinéma pour se pendre tant ils s'ennuient. De Gaulle fait sans doute partie de ces films oubliables qui portent dans la complexité de leur sujet les raisons de leur infirmité tant certains thèmes ne peuvent être convenablement traités sans en avoir extrait la plus substantifique des moelles.

PaulStaes
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le 8 mars 2020

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Paul Staes

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