Dans ce documentaire, Chantal Akerman alterne scènes muettes (plans fixes de paysages autour de la frontière américano-mexicaine ou travellings le long du mur), et témoignages (à commencer par tous les membres d'une famille dont le fils aîné a péri) : simple et efficace. La parole des migrants qui fuient leur pays pour des raisons économiques se mêle ainsi à l'atmosphère des lieux.
Dans une deuxième partie, c'est le côté américain, avec des gens qui craignent pour leur tranquillité et leurs biens. Et toujours cette alternance, avec peut-être une plus grande part laissée aux interviews.
Akerman ne craint pas la durée : elle peut laisser tourner sa caméra devant un terrain vague de longues minutes sans qu'il se passe grand chose. Filmer deux points blancs sur le pare-brise d'une voiture de police dans la nuit jusqu'à l'abstraction. Ou encore, lorsqu'elle interviewe une vieille, lui laisser tout le temps de vivre ce qu'elle raconte - la perte déchirante de son fils - en silence. Un parti pris rare, qui a une certaine force, et qui a l'authenticité de la vie. Evidemment un peu aride, à l'image de la région.
Parfois, c'est un peu trop : la scène remontant une file de voitures le long de la frontière m'a quand même paru interminable ! Idem sur la scène du match de foot.
Mais dans l'ensemble, voilà du documentaire engagé artistiquement, ce qui ne surprendra pas les fans des fictions de Chantal Akerman.