Tout commence par une nuit d’Halloween un brin magique, une nuit de tous les possibles. Une nuit par laquelle un cœur brillant va fendre le ciel de la Ville Cheminée pour atterrir en pleins décombres… L’épopée ne va pas s’arrêter là puisque, pour mieux battre, un cœur a besoin d’un corps. Le voilà qui met toute son énergie pour se le façonner, attirant vers lui toutes sortes d’objets – pinceaux, tournevis, sandales, klaxon et même un bout de tissu rafistolé en guise de cape… Donnant naissance à Poupelle ! S’il n’était pas si aussi haut en couleurs, l’on pourrait croire à un monstre se fondant à merveille dans l’ambiance étouffante de cette ville aux noirs nuages endeuillant perpétuellement le ciel. Une cité lardée de cheminées monumentales qui recrachent infatigablement des volutes impures, de la fumée si dense qu’elle rend le soleil inaccessible aux regards. Un univers à l’horizon rétréci, comme le cœur des hommes ici, où pas un oiseau ne chante, où nulle végétation ne pousse. Les lumières artificielles ont remplacé les étoiles de jadis dont personne ne semble plus soupçonner l’existence. Les derniers qui s’en souviennent secrètement doivent se taire…Les sbires du régime autoritaire sont toujours prêts à sillonner la mégalopole tentaculaire pour débusquer d’éventuels lanceurs d’alerte. Mais une chose va leur échapper : la rencontre entre le jeune Lubicchi et Poupelle, qui va tout de suite épouser les rêves solitaires et inavouables du garçon, à savoir révéler les étoiles que tout le monde pense sorties de l’imagination de son père disparu. L’union fait la force et la grande amitié qui va naître entre eux leur donnera le courage de se battre coûte que coûte… jusque dans un feu d’artifice final formidablement émouvant.
Évidemment l’on se doute que derrière la fable se cache un pamphlet écologique qui ravira petits et grands par sa sophistication narrative et sa beauté époustouflante, mêlant tous les types d’animation, à juste titre sélectionné en compétition au Festival d’Annecy. Akihiro Nishino, l’auteur du récit, règle ses comptes avec une société qui fustige ceux qui sortent du rang. Et si à force de ténacité on atteignait tous notre inaccessible étoile ? Résolument positif et coloré, le film est une réussite totale, équilibrant féérie avec action, humour (c’est Philippe Katerine qui prête sa voix à Poupelle en français), tendresse mais aussi grande sagesse. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu au cinéma un film d’animation qui rappelle L’Étrange Noël de Monsieur Jack (1993) de Henry Selick, écrit par l’illustre cinéaste Tim Burton, capable de faire coexister des univers et des genres antagonistes : le merveilleux et l’inquiétant, le beau et l’affreux, la lumière et les ombres. Un fantastique hymne à la différence, en somme, engagé et magique.