Une course de haies, une succession d'obstacles, des heures perdues pour au final une demi-heure au parloir de Fleury-Mérogis, c'est exactement le parcours mené par ces femmes – auxquelles s'ajoute un mutique et discret visiteur masculin – pour venir voir qui un fils, qui un frère, qui un père. La réalisatrice Rachida Brakni filme donc une enfilade de huis clos faits de contrôles et surtout d'attentes dans une ambiance étouffante en pleine canicule estivale. Une réunion de facteurs propices à exacerber les passions et les rancœurs nichées ou enfouies chez ces femmes dévouées et épuisées, plus ou moins humiliées par l'administration pénitentiaire, plongée elle aussi dans l'expectative et terrassée par la suspension temporelle.


Une unité de lieu et de temps avec des sas comme autant de scènes où déambulent, se toisent et s'affrontent des corps alanguis électrisés par la chaleur suffocante – l'absence de toilettes dans les sas successifs ne permettant pas de boire. L'actrice passée à la mise en scène fait preuve d'une belle solidarité féminine doublée d'une réelle empathie face à ces mères courageuses et pleines d'une abnégation à peine reconnue. Dans un dispositif statique et donc théâtral, le film réserve quelques beaux moments. Dommage qu'il verse dans une dramaturgie croissante qui lui adjoint une dimension farcesque finissant par le desservir. Comme si la comédienne ne faisait pas suffisamment confiance à la puissance du lieu qu'elle investit et préférait un développement narratif servant aussi à évoquer de manière plus générale la situation de la femme arabe, largement représentée ici. Cette déviation, aussi légitime soit-elle, fait néanmoins perdre au projet de sa singularité et de sa force. Il n'en reste pas moins que ce premier long-métrage atteste d'un regard, d'une capacité à composer des plans dans un environnement coercitif et d'une démarche honnêtement humaniste. À partir de ce gynécée microscopique, Rachida Brakni compose une œuvre qui touche à l'universel et dépasse du coup largement les murs de cette prison dont on finit par croire qu'il est plus facile d'en sortir que d'y pénétrer.

PatrickBraganti
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le 24 févr. 2017

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