dec 2010:

Avant première en ouverture du 36e festival Cinémed dans un Corum de Montpellier, rempli jusqu'à la gueule, dans une atmosphère aussi joyeuse qu'impatiente.

"Chienne d'histoire" de Serge Avédikian en apéro, souriant discours d'ouverture de Carmen Maura (tiens? pas de standing ovation pour cette grande dame du ciné espagnol?), simples et enjoués petits mots ensuite de Pierre Salvadori, Nathalie Baye et Audrey Tautou. Légère déception quant à l'absence de Sami Bouajila (la faute à la grève, parait-il). En tout cas, je sentais à la fois l'impatience du public de découvrir cette nouvelle œuvre et les boules aux ventres des auteurs : une sensation chargée d'émotions diverses qui se communiquent et se partagent un peu. Est-ce que cela participe de l'enthousiasme général pendant et après la projection? C'est toujours possible.

Le film tourné à Sète livre dès le générique une photographie très colorée, à l'image de la région, jaune et bleue d'abord et le rouge en suivant. Le ton est donné, dès le départ, très gai, éclairé. Beaucoup de lumière. Les autres films de Salvadori étaient plus ténébreux dans la forme et les sonorités me semble-t-il. Ces "vrais mensonges" éclatent, lumineux.

Pourtant, Salvadori ne se dépare pas vraiment de son thème favori. Elle n'est plus au centre de l'histoire, mais elle est toujours là, présente, au second plan : la dépression celle qu'on a vaincu, la maladie ou le petit coup de mou. Jean (Sami Bouajila) a perdu son emploi à la suite d'une dépression et Maddy (Nathalie Baye) ne parvient pas à se détacher de son ex-mari (Daniel Duval). Ils sont pourtant séparés depuis 4 ans.
A noter que ça fait plaisir de voir un beur jouer un français, sans qu'il y ait la moindre ambiguïté politique. Toujours ce naturel, cette simplicité.

Sur ce canevas grave, Salvadori écrit une histoire classique où les petits mensonges grossissent à tel point que les quiproquos s'enchainent et embarquent les personnages dans une infernale roue de l'infortune où leurs émotions sont salement secouées. D'une structure ma foi assez proche du théâtre de boulevard, l'auteur réussit à tirer une superbe comédie dans laquelle les personnages assez denses trimballent leurs fêlures et apprennent à composer une mélodie de vie somme toute harmonieuse. Pourtant la situation dégénère rapidement.

Derrière le comique, des tristesses se dévoile. Une puissante tendresse envers ses personnages se dégage de cette réalisation. La caméra est toujours très proche des comédiens, scrutant le moindre rictus, le tremblement des lèvres, le regard qui cherche, les larmes, les yeux qui se perdent dans la surprise, la colère ou l'amour. Salvadori a une façon touchante de les accompagner et le rire éclate aussi de cette sorte d'attachement que cette mise en scène finit par instaurer entre le spectateur et les personnages.

Un cinéma humaniste, d'une très grande sincérité, une tolérance presque doctrinale. Nathalie Baye implore sa fille (Audrey Tautou), qui essaie tant bien que mal de la "remonter", de lui foutre la paix, revendique son droit à être triste dans un élan de colère non pas contre cette gamine qui l'aime et veut la voir heureuse, mais contre cette dictature du bonheur, comme si les êtres humains n'avaient pas le droit de déprimer ou de prendre leur temps pour faire un deuil. C'est un discours très sain, je trouve, et qui n'est pas balancé dans la sentence solennelle mais avec une simplicité et un humour qui ouvrent pas mal les portes et les esprits.

Le propre d'un texte intelligent et d'une écriture foutrement maitrisée. Le texte est parfaitement ciselé. Les bons mots sont rares mais la mécanique des dialogues fait claquer certaines répliques.

Montage et direction d'acteurs dans le bon rythme mais sûrement encore plus grâce aux talents des comédiens. Sur ce point, le film fait très très fort. J'avoue avoir été déposé sur le cul par les prestations de Sami Bouajila et Audrey Tautou. En ce qui concerne Nathalie Baye, la comédienne est grande, on le sait depuis belle lurette. Les deux jeunes m'ont vraiment surpris par la qualité de leur jeu, dans le tempo et surtout dans la maitrise des mimiques, dans la diversité et la finesse de leurs expressions non-parlées. Ils font mouche. Irrésistibles. Dans le même schéma Judith Chemla que je ne connais pas bien est très étonnante également. Touchante de sensibilité, on en vient à rêver d'une séquelle sur son personnage : on voudrait en savoir plus sur elle, la suivre sur un plus long chemin. Chemla la rend très intrigante.

Bref, un film à forts atouts qui devrait "fonctionner" auprès d'un large public, un film sain, frais, qui veut et peut faire du bien, éternelle manie chez Pierre Salvadori.
J'ai passé une excellente soirée.
Alligator
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le 15 avr. 2013

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Alligator

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