Dead Meat
4.4
Dead Meat

Film de Conor McMahon (2004)

Les zombies affamés, on connaît. Mais en les faisant parcourir la campagne reculée de Leitrim en Irlande, cela change un peu des habituels décors. Et malgré la distance, quelques mers et même une Grande-Bretagne entre nous, c’est un cadre assez européen, assez familier.


Des grandes plaines balayées par le vent, aux herbes folles, des massifs forestiers, des habitations isolées ou des ruines, l’Irlande proposée est un peu sauvage, un peu désolée aussi. La première maison traversée, une ferme abandonnée, est un magnifique décor de cinéma, avec l’humidité palpable, ses murs décrépis, son mobilier abandonné, les objets de la foi qui témoignent que Dieu les a laissés à leur sort. Il s’agit d’une véritable habitation, ou ce qu’il en reste, à peine aménagée pour les besoins du film. Dommage, on n’y reste que peu de temps, le temps de parcourir un petit bout désolé d’Irlande avec quelques survivants.


Héléna, citadine perdue dans cet espace, Desmond, fossoyeur du coin (et non pas vagabond, cf. La jaquette française) ou un couple rugueux d’Irlandais ne diront pas le contraire. Le béret est sur toutes les têtes ou presque, Desmond a une veste campagnarde, le mari un chandail tricoté, ce sont des gars du cru, parfois avec leur caractère, pas toujours facile, certainement habitués à une vie dans ces villages et à ces hameaux, mais pas à une invasion de zombies. De leurs vies antérieures, le film n’en dira presque rien, et avec raison, ils doivent survivre, pas papoter. Ils se définissent par leur personnalité, plus effacée ou plus marquée, suffisamment présente pour avoir dans l’écran des personnages avec leurs caractères.


Ils sont emportés dans une course pour leur survie, la menace est partout, d’un coin de ruine ou d’un bosquet. La tension est bien installée, toujours renouvelée. Les spécimens contaminés ne manquent pas, même si la mise en scène se révèle bien trop fouillis parfois. Le film arrive même à augmenter le rythme cardiaque avec une scène pourtant saugrenue, sur le papier, mais assez bien rendue sur la pellicule, avec une vache contaminée, peut-être le passage le plus mémorable. Le responsable de cette vague de zombies est une variante de la maladie de la vache folle, un peu oubliée maintenant, on a d’autres pandémies à fouetter, mais qui a fait des ravages dans les campagnes anglaises. Son emploi ici, dans ce cadre rural, est tout à fait approprié, presque naturel, pour légitimer une contamination de zombies.


Ces morts-vivants ont le maquillage parfois un peu trop évident. Les effets spéciaux sont parfois visibles, mais il y a une telle générosité dans le gore, avec quelques exécutions bien sanglantes ou grotesques (ha, cet aspirateur), qu’on ne peut pas en vouloir au film.


Il ne faut pas l’oublier, même si Dead Meat a reçu un financement de L’Irish Film Board, la production est modeste, les moyens aussi. La mise en scène n’est pas ratée, mais elle est encore un peu maladroite, parfois un peu trop fébrile, confondant l’agitation avec la tension. Le réalisateur tente quelques plans, parfois réussis, angoissants, et d’autres fois un peu trop appuyés, qui démontrent la maladresse. Conor McMahon démontrera une nette amélioration avec le cinglé Dark Clown en 2012, relecture gore et grotesque et jouissive du clown tueur. Ses quelques acteurs ne sont pas mauvais, et même si l’introduction d’Héléna fait craindre le pire, l’évolution de sa personnalité rassure. Le couple local, rugueux, méfiant, entre le mari un peu rustique et la femme mutique mais sombre, est d’ailleurs bien joué.


Par contre, il y a un vrai problème autour de la photographie, absolument insipide dans les scènes de jour, aux couleurs délavées, dans des teintes marronâtres et passées qui semblent témoigner soit d’un matériel de mauvaise qualité pour filmer soit d’un directeur de la photographie qui a des problèmes de vue soit d’un transfert sur DVD dégueulasse. Le vert légendaire de l’Irlande ne se trouve pas dans ce film, c’est certain. Heureusement, quand la nuit vient à tomber, la pellicule est adéquate, la luminosité étudiée, l’obscurité enveloppe les personnages et découpe les décors. Certains films d’horreur ont des nuits presque aussi claires que le jour, ce n’est pas le cas ici, tant mieux.


L’inspiration est évidente, et même si le film a le bon goût de ne pas expliciter ces références, le film est comme un rejeton illégitime de la saga des zombies de George A. Romero, même si le commentaire social ou politique est bien moindre. Ses personnages sont confrontés à une menace, c’est ce qui les réunit. Le film est court, 1h18 générique compris, il ne cherche pas à trop meubler, il veut aller à l’essentiel. Il est évidemment un peu maladroit, un peu jeunot dans son expérience, mais son cadre, cette Irlande rurale, et ses quelques idées, lui assurent une certaine tolérance dans l’appréciation.

SimplySmackkk
6
Écrit par

Créée

le 12 oct. 2021

Critique lue 152 fois

8 j'aime

4 commentaires

SimplySmackkk

Écrit par

Critique lue 152 fois

8
4

Du même critique

Calmos
SimplySmackkk
8

Calmos x Bertrand Blier

La Culture est belle car tentaculaire. Elle nous permet de rebondir d’oeuvre en oeuvre. Il y a des liens partout. On peut découvrir un cinéaste en partant d’autre chose qu’un film. Je ne connaissais...

le 2 avr. 2020

50 j'aime

13

Scott Pilgrim
SimplySmackkk
8

We are Sex Bob-Omb and we are here to make you think about death and get sad and stuff!

Le film adaptant le comic-book culte de Brian aura pris son temps avant d'arriver en France, quatre mois après sa sortie aux Etats-Unis tandis que le Blu-Ray est déjà sur les rayons. Pourquoi tant de...

le 5 janv. 2011

44 j'aime

12

The King's Man - Première Mission
SimplySmackkk
7

Kingsman : Le Commencement, retour heureux

En 2015, adaptant le comic-book de Mark Millar, Matthew Vaughn signe avec le premier KingsMan: Services secrets une belle réussite, mêlant une certaine élégance anglaise infusée dans un film aux...

le 30 déc. 2021

39 j'aime

12