Black Faces
Après une bande annonce qui annonçait de la comédie décomplexée, Dear White People tourne en fait vers le genre du jeu avec les images, avec les cliché et les attitudes véhiculées par les médias,...
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le 9 avr. 2015
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On me pardonnera l'accroche provoc du titre qui se devait d'être à l'égal du phénomène que constitue un tel film. Mes éclaireurs partagés entre les 1-3 et les 7 (un seul 5), un film qui traite de l'impérialisme blanc en légitimant des attitudes noires racistes, bref, c'est le film qui révèle une part de soit au niveau politique, à savoir si on est pour ou contre le totalitarisme au service du Bien, qui est ici la promotion des minorités essentiellement de couleur (l'homosexualité y est aussi évoquée).
Rarement un film moderne aura abordé autant de sujets prometteurs sans jamais y donner une conclusion claire. Très ambitieux dans son approche multiple d'un campus universitaire (via différents étudiants, via les médias à l'échelle du campus, via les professeurs...), il traite de la dépossession culturelle, de l'hypocrisie de mélanges raciaux, de l'attitude vis à vis des clichés, et d'un système social toujours en faveur des blancs qui affichent leur arrogance tous les jours. Via des personnages comme Troy (le candidat à présidence étudiante de la maison Amstrong Parker où l'essentiel des afros sont dirigés) ou Coco (youtubeuse tentant de percer dans le monde de la télé réalité), il tente aussi de décrire des comportements noirs qui collaborent à l'hypocrisie décrite en adaptant leur ligne de conduite sur les questions identitaires aux circonstances et en collaboration avec les autres maisons du campus. Le film espère avec Troy recréer un modèle politique miniature de soumission à un ordre établi, et avec Coco, un discours sur les clichés dans les médias (représentés par un noir insupportable qui enchaine constamment les jugements expéditifs). Et si le film tente donc d'aborder tous ces points sensibles, jamais il n'essayera d'en faire ressortir un discours cohérent. Ainsi, il dénonce le communautarisme racial (continuellement chez les blancs, ponctuellement chez les noirs (assez pour qu'on le voit et nuancer le côté communautaire, mais pas trop car implicitement ce sont eux qui sont ostracisés par le Système)) mais il promeut une culture et une identité forte qui doivent être brandies et conservée (la culture noire, puisque celle des blancs est affichée partout), il dénonce la culture des clichés sans jamais s'attarder sur la majeure partie des élèves qui n'ont pas grand chose d'original (un cliché fonctionne davantage en tant que phénomène de masse), il est contre la ségrégation et contre la loi d'affection aléatoire (sensée diluer les minorités dans la masse des blancs, dans laquelle ils se retrouvent isolés)... A force de vouloir complexifier son système et d'aller plus loin dans les phénomènes sociaux de race, il en devient cacophonique, et ne sait plus du tout quoi raconter. Il finit donc par énumérer des hypocrisies pour mieux les dénoncer sans jamais vouloir développer un discours d'intégration dans laquelle il n'a pour ainsi dire aucune confiance. Et le film s'enferme donc dans la posture classiques des apprentis fascistes : la victimisation pour l'éternité, où la minorité veut à tout prix rester à l'écart tout en critiquant sa mise à l'écart, opprimée qu'elle est par la suprématie intolérable de la majorité. Si le passé esclavagiste reste toujours pesant (notamment dans des pays comme l'Afrique du Sud, et ici les USA), il arrive un moment où les bourreaux renoncent à leurs droits et les victimes à conserver de la rancune si on veut créer une nouvelle société.
Ici, les rancunes restent fortes, surtout quand, pour éviter de perdre de vue le fond anti-blanc, on leur fait organiser une soirée afro d'un bien mauvais goût question clichés. L'image est forte, surtout que ce genre d'évènement a déjà eu lieu. Et si le thème est de mauvais goût, faut-il l'interdire ? Au final, les tensions raciales (considérablement soulignées par Samantha White et les leaders blancs des différentes maisons) sont plutôt fortes entre les deux communautés, et si le mauvais goût permet de se murger la gueule en évacuant les tensions, laissons les médiocres faire sortir un peu la crasse, il suffit de changer de pelouse le temps d'une nuit. Les noirs passent leur temps à critiquer la culture blanche et lui reprocher son côté main stream, rien ne les empêche d'user aussi du mauvais goût. Ce qui nous oblige maintenant à parler du personnage de Samantha White. Abordée comme une artiste politiquement très active pour la cause noire de son université, on comprend vite qu'il s'agit d'une anarchiste anti-blanche. L'idée de retourner Naissance d'une nation en inversant blancs et noirs rend la chose clairement explicite, puisqu'elle veut continuellement provoquer le malaise chez les blancs (via ses interventions à la radio du campus) et accentuer les tensions sociales. Durant son élection, elle passe sont temps à critiquer les collaborations de son adversaires avec le pouvoir blanc en place pour promouvoir une cohésion strictement identitaire pro-noire, à quelques subtilités près (rejet pendant un temps des noirs non-affiliés à Amstrong Parker). A simple titre anecdotique, elle critique les coucheries entre blancs et noirs basées sur des auto-persuasions anti-racistes en couchant elle même avec un blanc auquel elle n'attache aucune importance. Encore une fois un personnage qui critique continuellement l'oppression blanche en revendiquant la marginalité noire. Son combat contre la "répartition aléatoire" est légitime dans la mesure où il impose un choix aux étudiants concernant leur avenir, mais doit-il être interprété réellement comme une décision de domination raciale ? La dilution est une réponse politiquement correcte qui ne fonctionne pas à fortiori (débat compliqué, mais le film est plutôt contre), mais est-ce une volonté blanche, ou plutôt une idée simple qui fonctionne simplement dans la forme ? Quelques bronzés sur une photo de groupe donnent des airs humanistes, mais l'organisation devient différente au quotidien. Sur ce constat, j'aurais tendance à être d'accord avec le film, mais pourquoi le film continue-t-il alors à vouloir enfoncer les blancs et à diaboliser chacun de leurs choix ? Le film avait-il peur, en affichant ses croyances communautaristes, d'être mis au ban ? Devait-il ajouter forcément une bannière anti-raciste pour traiter de ces problèmes d'identité minoritaires ? La pseudo-remise en question de son personnage (qui cache ses goûts pour en revendiquer d'autres servant ses objectifs communautaires) ne remettra jamais en cause le mécanisme social, ses démarches étant violemment réprimées alors que la fête raciste est désapprouvée, mais maintenue dans la "discrétion". Dans ce cas, une dénonciation s'impose, mais de là à justifier le saccage de la fête au nom de l'activisme...
Bref paragraphe sur Lionel : jeune noir homosexuel, qui cherche sa place sur le campus, et donc dans les différentes couches de population (communauté homosexuelle en majorité blanche, étudiants hétéros blancs ou noirs). Il était intéressant de suivre une minorité dans la minorité. Lionel débarque avec quelques préjugés ("les étudiants noirs sont les pires" vis à vis de son orientation), et d'un statut initialement passif, il se retrouve peu à peu impliqué dans le conflit racial idéologique, poussé sur la question par un camarade qui devient rapidement son compagnon. Un compagnon blanc homosexuel ayant participé à la rédaction de l'essai "a survival guide to keep from drowing in a sea of white", rédigé par une équipe de blancs. Je ne sais pas si il est utile de parler des personnes qui détestent leur race au point de s'amender en promouvant des minorités, en drapant leur haine de l'oppresseur auquel ils se sentent appartenir d'un voile d'humanisme visant à rétablir une égalité qui demeure surtout un renversement du nombre et des valeurs. Egalité des droits et devant la loi strictement appliquée, tous les problèmes de visibilité dépendent strictement des communautés, qui peuvent dès lors promouvoir leur culture entre eux. Sinon, on commence à rentrer dans des considérations politiquement correctes qui oscillent entre la blague (les quotas hollywoodiens) et le politiquement douteux (interdiction française des sondages sur des critères raciaux).
Beaucoup de thématiques intéressantes au final pour un film dont le point de vue est loin d'être clair. Tâchons donc de résumer la chose. En traitant des répartitions raciales des étudiants sur fond de l'organisation d'une soirée étudiante blanche à thématique raciale "afro", le film parle d'identité et d'interactions sociales. Toutefois, il prend de moins en moins de distance vis à vis du militantisme pro-noir. Et si la démarche sera toujours justifié par des inégalités, le fond reste particulièrement anti-blanc, trop pour que cela ne soit pas noté. Le film juxtapose les valeurs majorité blanche et culture de masse (avec les stéréotypes qu'elle impose), et décide de combattre idéologiquement ce bloc, de façon unilatérale. Majorité blanche qui, à quelques étudiants anti-racistes près, est montrée comme passivement en accord avec le système raciste, et dont les élus sont des représentants cyniques (forcément, il faut que la dénonciation soit manifeste). Cette vision unilatérale de la situation est tellement pro-minoritaire qu'elle en devient étouffante, incapable qu'elle est de prendre de la distance avec le phénomène global des tensions raciales et d'un ordre sociétal cohérent. Le film soutient son apparente absence de vision par un anarchisme promouvant la différence et constamment en défiance du système, il ne possède aucune vision à long terme, préoccupé qu'il est par son combat existentiel de gagner face à la majorité. Si on refuse son intégration, il faut en supporter les conséquences (société parallèle, ostracisation... des mécanismes qui cristallisent les différences). Et le rejet d'une association entre noirs et blancs (unilatéralement dénoncée comme étant une mascarade, malgré quelques tentatives sincères) n'aide pas du tout à apaiser le climat. On ne peut pas éliminer les goûts, les préférences, les préjugés. Mais si les gens essayent de cohabiter malgré tout, les initiatives doivent se poursuivre, en respectant autant que possible l'espace de chacun dans le domaine public. Vouloir à tout prix remettre sur le devant de la scène les tensions ne semble pas être le meilleur chemin. Enfin bon, montrée d'office comme un foyer passivement raciste dont les dirigeants (noir et blanc, promouvant le même système) tentent d'étouffer les problèmes, la fac Winchester n'a que ce qu'elle mérite.
Bref tout le monde il est raciste. Yo. C'était vraiment une comédie ?
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le 8 nov. 2016
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