Death Note
3.4
Death Note

Film de Adam Wingard (2017)

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On a beau avoir l’esprit le plus ouvert du monde : certains projets ne nous inspirent pas confiance, mais alors pas du tout et ce Death Note sauce Netflix en fait partie. Pour les deux du fond qui ne l'ont pas suivi, Death Note raconte à la base l’histoire de Light Yagami, un étudiant brillant et sans histoire qui se retrouve investi du jour au lendemain d’un cahier ayant le pouvoir de donner la mort. Dans un léger délire mégalomaniaque, Light va alors décider de devenir le dieu d’un nouveau monde expurgé du crime. S'en suit alors une traque intense entre Light et L, enquêteur aussi génial que mystérieux ayant pour mission de stopper Kira/Light. Ce film est donc l’occasion de réfléchir à ce qu'est ou ce que n'est pas une bonne adaptation.


Adaptacon


  Autant vous le dire tout de suite, le film d’Adam Wingard n’est vraiment pas à la hauteur. La première raison est mathématique : essayer de reprendre le même schéma que le bouquin ou la série animé mais en seulement 1h40 était voué à l’échec. Cependant, haut les cœurs les campeurs et aventurons-nous dans un étrange monde rempli de personnages mal écrits et d’incohérences n’ayant aucune vergogne à titiller votre suspension d’incrédulité. Exit donc Tokyo et bienvenue à Seattle où on suit Light Turner, étudiant brillant mais un peu neuneu qui a une vie de merde. Il se fait tabasser, les profs ne l'aiment pas, sa maman est morte et, en plus, il habite à 50 cm d’une voie ferrée, mais genre littéralement à 50 cm !
Clairement, l’étape d’après aurait été que son petit chien aveugle se fasse éventrer. Néanmoins, on commence à comprendre que, durant 1h40, notre plus grand ennemi sera la subtilité. Donc, notre bon Light trouve le cahier et a alors le choix entre réfléchir aux conséquences d’un tel pouvoir ou, pour pécho, laisser la jolie nana déglingo du lycée le lui montrer. Évidemment, Light, qui est censé être un surdoué, choisit la deuxième solution. Faut dire que la bougresse fumait sur le terrain de foot ; elle avait ainsi tous les signes pour être une Harley Quinn en puissance !
On va donc suivre nos Bonnie & Clyde émos dans une aventure pas bien folichonne, riche en moments gênants et en incohérences. Après tout, le film vie grâce aux ados et, dans la tête d’un producteur, un ado, c’est con, incompris et sous hormones : ce sera donc la feuille de route de tout le film ! Ô joie, ô allégresse ! Trêve de célébrations cependant car sur leur route se dressera L, un enquêteur pas vraiment mystérieux ni même brillant qui, dans une quête perpétuelle de son autre lui de papier, se complaira en imitations dérangeantes.
Et là, sans que j’ai besoin de continuer, on saisit le principal problème du film qui est son rapport à l’adaptation. En effet, en apparence, Wingard semble vouloir s’éloigner de l’œuvre original en amenant l’action à Seattle et en prenant de ce fait des acteurs éloignés physiquement de leur version papier pour éviter l’effet cosplay ridicule. L’idée est louable mais le soucis est que, au final, le film contredit ses intentions et se raccroche continuellement à son support d’origine, amenant une comparaison qui ne lui est pas favorable. Quitte à changer tout le contexte, pourquoi donner le prénom de Light au personnage principal s'il ne ressemble en rien à l’original ? Il en est de même pour L.
En n'assumant jamais pleinement son indépendance, le film n’en ressort qu’affaibli et paraît plus que jamais une photocopie vide des enjeux et de la réflexion sur la justice et le pouvoir qui traversaient le manga de Obata et Ōba. Faute de temps et d’ambition, le Death Note Netflix va alors se complaire dans une histoire young adult ayant la subtilité d’un bulldozer. Le meilleur exemple est constitué par les nouvelles règles du Death Note qui ne servent qu’à créer de grosses facilités scénaristiques afin d’accélérer le dénouement. Il en est de même pour les capacités déductives de L qui donnent plus l’impression qu’il a lu le scénario au lieu d’enquêter. D’ailleurs, j’espère que l’enquête n'est pas ce qui vous intéressait dans le projet car c’est beaucoup plus palpitant et tendu dans un bon Hercule Poirot des familles.
Embrayons sur le scénario tant il s'agit d'une enfilade d’incohérences flagrantes. Je vous laisse les lister ou inventer un jeu d’alcool dont vous ressortirez amochés (remarquez, le film en serait peut-être meilleur !). Pour conclure, je ne reproche pas à ce Death Note ses changements mais plutôt ses mauvais choix de changements, pas assez radicaux et surtout faciles, qui empêchent le film de voler de ses propres ailes.

Death Note Homecoming


  Cependant, au-delà des montagnes embrumées de l’adaptation, le film en lui-même est foncièrement bancal, ce qu’on peut voir déjà par le style visuel choisi. On ne va pas se leurrer : j’aime bien les choix visuels forts, sûrement un peu trop et le film a une identité, on ne peut pas le nier. Que ce soit une esthétique néon par endroit, des cadres débullés ou bien encore des ralentis esthétisants, le film fait tout pour avoir de la gueule.
Le problème, c’est que j’avais l’impression par moment de regarder Atomic Blonde mais je ne comprenais pas pourquoi. Là où l’esthétique du film de David Leitch est justifiée par le contexte de l’histoire, ici, on a l’impression que c’est là juste parce que le film se cherche à tout prix une identité. Alerte spoiler : le film n’en trouvera pas, opérant un numéro de grand écart digne du grand JCVD en allant piocher dans toutes les cases du divertissement young adult contemporain, de Destination Finale à Spiderman. Remplacez le Death Note par une morsure d’araignée et tac : un Peter Parker sauvage apparaît !
Ce qu’il y avait de fascinant avec Litght Yagami, c’était que, justement, il n’avait aucun problème, il avait tout pour lui et il bascule néanmoins dans la folie. En creux, on nous bougeait de notre zone de confort avec l’idée que le mal peut aussi naître de l’ennui. Pas besoin d’avoir été orphelin ou battu pour devenir un psychopathe ! En revanche, Light Turner empile les clichés avec la vigueur d’un athlète russe sous amphètes et nous place dans un schéma tout de suite très confortable car déjà vu mille fois. C’est l’underdog qui va se venger du monde qui le rejette. En bref, c’est calibré pour plaire à un ado, enfin un ado vu par un studio. Néanmoins, on pourrait se dire que c’est pas bête car le bouquin aussi s’orientait vers un public oscillant entre l’adolescence et l’âge adulte mais, mis à la sauce américaine, tout est nivelé par le bas. Créez des problèmes à votre personnage et, tout de suite, on lui assigne une psychologie préfabriquée comme le public en a l’habitude.
Un autre signe de la fainéantise de l’adaptation est la manière de gérer le propos a priori assez universel de l’œuvre originale. Dans un pays comme les États-Unis avec un concept tel celui du Death Note, il est dommage de constater que les thématiques de la peine de mort, de la prolifération des armes ou bien encore de la figure du super héros justicier tout puissant sont survolées. Au lieu de poser des questions propres à son nouveau contexte, le film va mollement énumérer des évidences et mettre un peu de gore pour faire croire aux ados de 12 ans impressionnables qu’ils regardent un truc « adulte ».
Néanmoins, après une enfilade de poncifs, on arrive péniblement à la fin du film où un élément de scénario fort et intéressant aurait pu pointer le bout de son nez, questionnant même un personnage de l’œuvre originale. Mais bon, on se calme, c’est extrêmement mal amené, tout comme la scène d’action finale qui fait vraiment office de money shot totalement injustifié, histoire d’avoir une bande-annonce avec de l’action.
Cependant il y a tout de même un choix assez réussi : la représentation de Ryuk, le dieu de la mort. Plutôt que de nous assommer de CGI approximative, le film fait le choix de laisser le démon dans l’ombre, lui donnant ainsi une image de serpent tentateur inquiétant, ce qui est une intéressante variation du personnage.
Mais vous commencer à connaître le refrain : cet aspect reste largement superficiel puisque Ryuk a un rôle plus que minime, se cantonnant à cinq ou six minutes de figuration maxi.

My Chemical Romance


  Alors, me direz-vous : que reste-t-il de Death Note une fois qu’on y a enlevé la psychologie complexe, l’enquête haletante et la réflexion sur l’homme et la société contemporaine ? Eh bien une bonne histoire d’amour gnangnan comme on les aime ! En effet, nouveauté : Misa, renommée Mia, devient l’élément manipulateur du couple étant donné que notre bon Light Turner ne pouvait pas être méchant (c’est quand même le héros, merde !).
Du coup, le rôle du méchant revient à Mia qui n’en demandait pas tant car cette foutue love story bouffe l’intrigue. Je suppose que c’est une volonté de corriger le personnage de Misa un peu trop cruche dans le manga original. Mais bon, quand on vous dit Death Note, qui pense que l’histoire entre Misa et Light est le cœur du récit ? Moi aussi j’aurais dit personne mais il semblerait que non.
D’ailleurs, une autre relation est censée être mise plus en avant : celle entre L et Watari. Encore une fois, je ne comprends pas ce qu’a voulu me dire le scénariste. En effet, leur relation est à peine évoquée ou alors à coups de dialogues creux puis, dans la dernière partie, ça devient un élément capital changeant complètement le personnage de L. Cette emphase n'est pas inintéressante mais elle sert juste à nous bassiner à nouveau avec une pseudo relation père/fils pour encore nous monter une psychologie comme on monte un meuble Ikea.
Cependant, la fin ouverte laisse planer une suite qui, si elle a les noix de vraiment prendre la direction suggérée, pourrait être un poil plus intéressante. Wait and see comme on dit...

La Mort vous va si mal


  Ainsi, on arrive au bout du film et on ne va pas se mentir : c’est avec un sentiment de gâchis assez prégnant que le générique défile tant les choix opérés semblent contradictoires. Ni réelle adaptation, ni bonne transcription, ce Death Note est une œuvre foncièrement bancale calibrée pour plaire à tout le monde et qui ne plaira à personne. Un divertissement de producteur sans ambition qui réduit son concept à un gimmick de scénario creux et finalement assez vain. Encore une fois, on pourra apprécier l’effort visuel du film même s'il se révèle très superficiel à l’image de tout le projet. Mais c’est bien le seul point un tant soi peu positif donc, bon, on s’y accroche...
Contrairement au Ghost In The Shell sorti plus tôt cette année, il est difficile de recommander ce Death Note même comme une porte d’entrée dans un univers plus large et riche. Je veux dire que, si vous connaissez Death Note, cette adaptation ne vous apportera rien et si vous ne connaissez pas, bah vous aurez vu un Destination Finale ultra maladroit et cliché. Reste que, dans l’hypothèse où vous voulez un divertissement teenager sans prétention, peut-être que cette mouture de Death Note pourra vous plaire ; sinon, le manque d’ambition du projet vous rebutera sûrement. Cependant, pour finir, il faut bien se dire que c’est pas la faute des méchants adaptateurs américains comme on pourrait le voir par le prisme d’un conflit bien manichéen. Pour vous convaincre, essayez de jeter un œil aux deux films live japonais et vous verrez qu’une bonne adaptation n'est qu'une question de volonté et de vision, pas de nationalité.
Ici, en voulant faire rentrer Death Note dans un carcan qui ne lui correspondait pas, on assiste à la dénaturation d’une œuvre riche et passionnante en quelque chose de finalement très lambda qui jamais ne bousculera le spectateur ou mettra son éthique à l’épreuve. Kira est-il un monstre ? Un sauveur ? Qu’aurions-nous fait d’un tel pouvoir ? Tout est-il bon dans le cochon pour faire justice ? Un pays qui condamne à mort n’est-il pas aussi condamnable ? Aucune de ces questions ne vous sera posée autrement que dans des dialogues bien patauds. Ah, en fait, quelqu’un a-t-il compris pourquoi ils ont des flingues du futur ? Je veux dire : merde, ça choque personne ?!

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Créée

le 28 août 2017

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