L’adaptation du manga culte Death Note par le géant américain Netflix est très certainement l’un des projets qui a le plus enflammé la toile ces derniers mois. Accusations de whitewashing ou tout simplement de trahison pure et simple de l’oeuvre originale, le film était presque déjà condamné avant même sa sortie. Et comme si cela ne suffisait pas, son réalisateur Adam Wingard a dû faire face à une pression double puisque ce film est pour lui un moyen de se faire pardonner de Blair Witch, sorti l’année dernière et terrible échec critique et public. Un projet véritablement maudit donc, que l’on peut désormais juger en l’état dès aujourd’hui.
N’y allons pas par quatre chemins, les fans hardcore du matériau d’origine risquent très certainement de haïr cette version américanisée du classique nippon. Il ne faut que quelques minutes à peine pour s’apercevoir du travail d’adaptation opéré par Adam Wingard, qui prend le risque d’injecter au film tout un aspect teen-movie, très cliché certes mais approprié à l’histoire. Plutôt que de se risquer à répéter le propos du manga, ce qui serait inutile et surtout impossible en seulement 1h40, le réalisateur a décidé de se réapproprier complètement la trame d’origine pour y créer un film qui lui serait propre. C’est en cela que le film force le respect car il assume du début à la fin cette volonté de changer complètement d’univers, en ne gardant au final que le mythe du Death Note et ses protagonistes principaux.
Faut-il voir cela comme une preuve d’audace ou comme un je-m’en-foutisme total de la part de Netflix ? Un peu des deux. Il est clair que l’équipe derrière ce film a voulu a tout prix ignorer les remarques ou autres menaces des fans (encore heureux) et c’est très justement ce qui apporte de la singularité au film. Désormais, deux entités Death Note cohabitent, l’une américaine, l’autre japonaise, sans toutefois que l’une ne vienne empiéter sur l’autre, à l’inverse d’un Dragonball Evolution qui ne savais jamais où aller et finissait par piétiner toute la mythologie. Compte-tenu de l’immense popularité du manga, c’était la meilleure solution envisageable que de partir sur autre chose.
Mais venons-en enfin à ce qui nous intéresse, à savoir le film en lui-même. Première chose que l’on constate quasi immédiatement : C’est très TRÈS joli. La direction artistique du long-métrage a été extrêmement travaillée et la photographie sublime tous les efforts apportés à l’ensemble, jouant notamment beaucoup sur la dualité entre obscurité et éclats de lumières, comme par exemple la lueur des néons, très présents dans l’image. De même, la réalisation de Wingard est terriblement soignée, très dynamique et truffée de nombreux gags visuels caractéristiques de son metteur en scène. Tout cela permet au film de ne pas avoir ce sentiment « téléfilm » que l’on peut reprocher à certains autres films Netflix, comme Okja par instants.
En parlant de Okja, on peut également mentionner la grande qualité des (plutôt rares) effets spéciaux du film. Alors que l’animal du film de Bong Joon-Ho avait un rendu assez douteux, les effets visuels de Death Note sont diablement efficaces. Mention spéciale à ceux concernant Ryuk, le dieu de la mort accompagnant Light dans son aventure macabre et qui prend ici la voix de Willem Dafoe, parfait dans ce rôle. Grâce à un éclairage intelligent et un cadrage réfléchi, la créature dégage une vraie présence et une puissance assez terrifiante. Certains effets spéciaux sont évidemment plus limités, en particuliers les deux/trois passages « **Destination Final**e-like » en début de film, mais cet aspect est assez vite oublié, ce qui permet de limiter les dégâts que cela soit visuellement, mais aussi scénaristiquement.
On remarque également très vite qu’en plus de volontairement s’éloigner du manga d’origine, le film apporte ses propres idées, souvent propres à l’américanisation globale du récit. Ainsi, tout l’aspect solitaire voire misanthrope de Light dans le manga se retrouve rapidement évacué par l’arrivée de Mia, qui va prendre avec Light l’identité secrète de Kira, leur alter-ego « public ». Cette idée plutôt intéressante, tout comme celle du culte qui se crée autour de ce même alter-ego (idée déjà présente dans le manga mais qui est ici le noyau de l’histoire), est malheureusement gâchée par des clichés à base de love interest et d’enquêtes policières à rallonge qui finissent par alourdir le récit.
De manière générale, alors que l’intrigue commence extrêmement rapidement et nous plonge instantanément dans le vif du sujet, le rythme devient nettement plus longuet dans sa seconde partie, en particulier à partir de l’arrivée de L, un policier surdoué et ennemi principal de Kira. Heureusement pour nous, cette longueur se rétablit enfin durant la dernière demi-heure, dans un climax plutôt audacieux pour ce type de production. Ce qui nous reste malgré tout en tête, c’est le traitement nettement plus intimiste apporté par Adam Wingard, qui met bien plus en valeur les motivations et les doutes de Light (interprété par Nat Wolff, bien plus convainquant qu’on aurait pu le croire) face à un jeu mortel dont il perd de plus en plus le contrôle.
Au final, que dire de cette adaptation de Death Note ? Et bien, la réponse est dans la question. On a ici affaire à une véritable adaptation. Pas un simple copier-coller de l’histoire d’origine, mais bien une reprise totale de l’univers qui assume sa démarche jusqu’au bout. Les différences peuvent au mieux, surprendre ou au pire, choquer mais quoiqu’il en soit, on ne peut que saluer l’effort d’adaptation de la part d’Adam Wingard qui renoue avec un cinéma de genre brut et efficace dans lequel il excelle particulièrement. Les fans crieront au scandale autant qu’ils le voudront, Death Note version Netflix existe bel et bien et il ne tient qu’à vous de vous en faire votre avis personnel.