Un Taxi Driver Dans la Ville du Syndicat du Crime
Death Sentence est un film un peu difficile à cerner.
Difficile de deviner ce que cherche à faire James Wan ici.
D'un coté, on se retrouve avec un actionner plutôt efficace, tenant de deux genres voisins, à la fois du vigilante movie, genre particulièrement en vogue dans les 70's (empruntant plus à Un Justicier dans la Ville qu'à Rome Violente ou à Vigilante, justement), et du revenge flick, lui aussi à la mode dans les mêmes années, à la différence que ce dernier n'a jamais vraiment disparu, là où le public et les réalisateurs semblent s'être lassés du premier.
De l'autre, James Wan infuse une esthétique de clip malvenue, appuyée par un choix de musique la plupart du temps plutôt catastrophique pour illustrer le drame que vit Kevin Bacon. Tout y est, la musique tristoune, les ralentis à outrance, le frère qui pleure en cachette dans la chambre de la victime, les vidéos d'anniversaire, tout. Et c'est vraiment indigeste.
D'autant plus que Wan a compris que le débat justice vs vengeance n'intéressait plus personne, n'en était plus vraiment un, et tournait vraiment très court, ayant été maintes fois traité au cinéma. Alors il décide de se pencher au microcosme, à l'échelle individuelle, sur le drame familial, mais se vautre complètement de par ses choix esthétiques lourdauds, et une tentative maladroite de parallèle entre la famille des victimes et celle des assassins.
Difficile de ne pas voir ces passages comme, outre des échecs esthétiques et des clichés nauséeux, une façon de se dédouaner afin de pouvoir faire un film dégagé de toute obligation morale.
Si Wan avait eu les couilles d'assumer son choix de faire un film simplement amoral - donc pas immoral, simplement au delà de la question de la morale -, son film aurait gagné en force.
Au lieu de ça, il a préféré diluer son actionner sauce revengeance musclé avec les scènes de clip sus-mentionnées. On a donc un film en demi-teinte, qui tente de faire "réaliste" du coté victime, baroque dramatisant du coté gangsters, et donne dans l'actionner à chaque fois que l'on est en présence des deux partis.
Et soudain tout va très vite...
Après un cliché larmoyant de trop, le film cite pèle-mêle Taxi Driver et John Woo pour basculer dans un dernier quart tout aussi lisse esthétiquement, mais complètement débridé, jouissif. Une bonne chose ? Eh bien, ça aurait pu, oui, si au passage il n'avait pas sacrifié le semblant de "réalisme" qu'il nous avait infligé jusqu'à présent.
(ATTENTION, QUELQUES SPOILERS SE GLISSENT CA ET LA, VOUS ETES PREVENUS)
Plus un poil de cohérence temporelle, Bacon, après le cliché de la déclaration d'amour sur le lit d'hopital prend la poudre d'escampette au nez des flics pourtant clairement vigilants (qui ne sont pas foutus de l'intercepter quand il s'enfuit de l'hosto, ni quand il se rend chez lui, ni quand il se rend à la banque pour plumer son compte, ni quand il se rend au repère des méchants... sacrés flics, quand même!), se transforme en machine à tuer dans un laps de temps qui pourrait aller de 2h à deux semaines, et se trompe de film, traversant tour à tour Taxi Driver, The Killer et Le Syndicat du Crime 2, rejoint par les flics juste à la toute fin...
Bref, si jubilatoire que puisse être cette scène, si référencée aussi, et pas des références des plus dégueus d'ailleurs, le seul moyen de l'apprécier reste de mettre des œillères pour se protéger des incohérences rédhibitoires qu'elle implique. De plus, alors que dans un bon rape & revenge, ce serait le clou du spectacle, après une montée crescendo, là, elle tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, et se retrouve tellement en rupture avec le reste du film qu'elle ne parvient pas à s'imposer comme prolongement et résolution de ce dernier, mais juste comme une scène efficace d'une demi heure surajouté par après, et un peu bricolée pour cadrer vaguement avec le film.
Reste qu'au final, au moment de le noter, alors qu'il mériterait un 3, la performance de Bacon ainsi que les moments du film non gâchés par un ou l'autre des tics de Wan me poussent à l'indulgence.