Factice Instinct
Jamais. Non, jamais je ne suis parvenu à rentrer dedans. On aura beau mobiliser tous les arguments formalistes qui soient – arguments que ce Decision to Leave peut fournir à foison et ça je l’entends...
le 3 juil. 2022
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C'est en ce début de mois de juillet 2022 période estivale propice aux voyages vers l'étranger, saisons annonçant les jours de rencontres amoureuses, suivant un célèbre festival international de cinéma donc parfait pour aller s'enfermer dans une salle obscure...que je me suis décidé sur un simple coup de tête à réserver ma place afin de mater après une bonne journée de taff éreintante, ce "Decision To Leave", animé par mon amour pour le cinéma coréen, pour le polar et Park Chan Wook, ayant vu les principales œuvres de sa filmographie et notamment mon fabuleux "Old Boy", qui avec sa dernière réalisation me promettait une enquête, une investigation dans une Corée mystérieuse...
Une investigation à l'écran comme en dehors, qui démarre sec, sans générique, sans une once d'explication ou de pédagogie, nous plongeant immédiatement dans le rôle d'un enquêteur, un détective parfaitement mise en lumière par la démarche artistique, entre ces jeux de caméra, misant sur de nombreux effets...formats d'images antinomiques, vue à la première personne, image flouté et granuleuse, différentes focales, caméra à l'épaule, positionnement etrange du texte, vertical et horizontal, ecran scindée en deux, plan large et resserré, zoom et dezoom, champs/contre-champs, plongée et contre-plongée, choix colorimétrique variés, surchargé et naturel, musique extra et intra-diegetiques, sonorités environnementales et extérieure, langues étrangères volontairement non-traduites, lumière saturé et éblouissante, transition brutale et inexplicable, d'ellipses temporelles et géographiques, de time-line différentes, d'environnements diversifiés...jouant constamment avec nôtre ouïe et notre vue, s'amusant constamment avec nos sens, se construisant autant sur l'image que le son, alternant le réel et l'imaginaire, osant le fantasme et la vérité pour mieux nous laisser subjugué, emporté, intrigué, amoureux à l'instar d'un policier devant une scène de crime, des indices, des pistes avec lesquels il doit jouer, digérer, comprendre afin de mener à terme son enquête...
Une investigation qui se poursuit, une fois pleinement entré dans nôtre rôle d'enquêteur mais là à travers sa narration, entre orale et écrit, construite principalement autour de cette rencontre fortuite entre une suspecte et un lieutenant de police, deux personnages brisés, imparfaits, opposés, parfaitement porté à l'écran par deux acteurs sublimes, usufruit d'une enquête meurtrière, foireuse, bizarre, malmenée, qui les rassemblent, mais multipliant aussi les protagonistes, trames et enjeux secondaires, volontairement alambiqué...ouvrant par moment des pistes, des indices qui ne seront pas forcément résolu, volontairement décousue...permettant de laisser multiples déductions, volontairement labyrinthique...permettant de perdre le spectateur, volontairement mystérieuse...permettant de nous mettre dans le rôle d'un acteur du récit, volontairement suggéré...permettant de nous placer dans le rôle de scenariste, un véritable jeu de pistes à plusieurs imbrications, une toile d'araignée, un puzzle géant, un casse tête filmé, que l'on se doit de relier, d'éclaircir, de remonter, de construire afin de résoudre celui-ci, jouant constamment avec nôtre intelligence, nôtre sens de l'analyse, nôtre capacité de compréhension, nous laissant subjugué, interloqué, emporté, amoureux à l'instar d'un policier devant des témoins, des suspects, des preuves avec lesquels il doit jouer, interprèter, maîtriser afin de mener à terme son enquête...
C'est donc après 2h20 de film, un générique de fin et un écran titre finalement arrivé, un fin troublante et touchante, sans usure, sans lassitude, sans longueur...que je sort subjugué par cette démarche artistique, intrigué par cette démarche scenaristique, amoureux de ce film, sûr de mes lectures et déductions, attaché à ces deux anti-héros, marqué par leur histoire, vivifié par mon travail cérébral, oxygéné par mon voyage onirique entre Séoul et l'arrière pays, convaincu du talent de ce réalisateur, curieux de le revoir prochainement, toujours autant enthousiaste vis-à-vis de la production coréenne, volontairement mystérieux sur le film afin de le savourer intégralement, assuré que nombre de personnes vont l'apprécier, d'accord avec les récompenses qu'il a eu et déterminer à le mettre en avant...une œuvre misant sur la forme pour mieux mettre en avant son fond et sa réflexion...élégante, intelligente, métaphorique, satirique, critique et jouissive...à la fois coréenne dans ses thèmes et universelle dans son allégorie mais furieusement drôle, mélancolique, tristre, douce, effrénée, lente, rythmée, visuelle, musicale, suprenante, ludique, sensorielle et organique...un amour de polar ou un polar sur l'amour ? En tout un cas une bouffée cinématographique que l'on désire pas de quitter...
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Créée
le 2 juil. 2022
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