Je suis en classe de seconde, enfoncé dans mon siège, fasciné par deux corps baignant dans une eau sanguinolente. Couleur d'un désir qui se déchire, qui se noie, qui disparaît en apesanteur dans les eaux de la piscine municipale.
Les premiers sentiments amoureux sont maladroits, irréels, ce sont les plus purs et ceux qui nous rendent impuissant. Ils nous asservissent, réveillent nos instincts, une première évidence.
Le reste a si peu d'importance en ces instants, à tel point qu'on voudrait pouvoir sombrer avec Sue au fond d'une piscine; flottant avec grâce pour se détacher d'un quotidien brusque et contraignant. L'amour adolescent, c'est peut être aussi un égoïsme que l'on souhaite partager jusqu'à la fin.
Dans les grandes histoires, ces amours insolents naissent et meurent dans le désordre. Par le rouge qui précède le blanc, le sang qui précède le silence. Et l'extinction de toute cette impuissance ne peut s’opérer qu'en faisant cesser le temps, en figeant magistralement la beauté.