Skolimowski fait partie de ces réalisateurs étonnants qui changent de style à chaque films, et parviennent néanmoins à rester fidèle à leur vision du monde.
Avec Deep end, Jerzy, une nouvelle fois, part à l'assaut du Réel, pour s'étonner, une nouvelle fois, de le trouver si étrange derrière la lisse façade des apparences. Après la ville labyrinthique de Walkover, après la ville brumeuse de la Barrière, il traine ses guêtres dans une ville aquatique, le Londres psychédélique de 1969, et plus particulièrement un établissement de bains publics. Cette fois les couleurs explosent (rouge sang, jaune canari, bleu électricité), et la chair s'étale à tous les étages. Son héros (un sosie troublant du jeune Polanski) léger, aérien, évaporé, ne semble pas prêt à se coltiner tout le poids que les adultes trimballent sur leur dos, un poids qui l'intrigue pourtant, et lui fait diablement envie : il a 15 ans, et ne venez pas me dire que c'est le plus bel âge du monde !
La touche skolimovskienne, donc, c'est de savoir montrer un univers qui vascille sans rien démontrer. Se poser devant la vague évanescence des choses, et se laisser aller. Quel doigté il faut pour ne pas froisser une matière si fragile ! Son film flotte, tangue, coule, et le spectateur de lâcher prise avec bonheur, et appréhension.
On ressort de Deep End comme après un long bain trop chaud. Frippé, assommé, embué. On a envie de dormir, d'oublier. Ou bien d'y retourner pour enfin, une fois pour toute, s'y noyer.