Mari Curry
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Vendu comme un « female-buddy movie » du genre de Bridesmaids (Mes Meilleures amies), une comédie produite par Judd Apatow pour qu’on se fasse une idée, le film de l’indien Pan Nalin ne lui ressemble en rien. Déesses indiennes en colère n’est pas qu’une comédie de potes. Il appartient en fait à un genre indéfinissable, mainstream de la part d’un cinéaste assez zen (en dehors de son succès mondial Samsara, il est plutôt connu pour ses documentaires sur l’Ayurveda ou sur Bouddha), occidentalisé mais suffisamment indien pour être ponctué de danses et de chants, extravagant et manquant par endroits de crédibilité pour un film dont les premières scènes se moquent cependant de Bollywood, cinéma extravagant par excellence….
Déesses indiennes en colère est tout cela à la fois, et rien de tout cela en même temps. Les personnages viennent de tous les coins les plus urbanisés du pays : Mumbai, Dehli, etc. et représentent la diversité des femmes indiennes. Elles convergent vers Doa pour assister au mariage de Frieda (Sarah-Jane Dias). Catholique, habitant un vaste vestige de la colonisation portugaise, Frieda symbolise une Inde atypique à nos yeux d’occidentaux, abreuvés de faits divers aussi sordides que sexistes liés à ce sous-continent : viol, en réunion de préférence, stérilisation de masse, défiguration à l’acide, pour ne citer que les plus horribles. Ici au contraire, le ton est résolument joyeux, l’ambiance moderne, voire idyllique : Frieda est photographe, et Pan Nalin se laisse aller à imaginer que son indépendance et sa liberté vont jusqu’à déchirer le chèque d’un client aux méthodes douteuses. Le reste est à l’avenant : Joanna (Amrit Maghera) sa cousine indo-britannique qui veut percer à Bollywood sans être obligée de bouger une hanche ni une fesse de manière suggestive, une « étrangère » moquée par ses copines pour son accent so british. Mad (Anushka Manchanda), chanteuse boudée lorsqu’elle se lance dans un répertoire jazzy, mais adulée quand elle entonne un chant traditionnel au coin du feu. Pammy (Pavleen Gujral), dont le sari qui détonne au milieu de ses très urbaines copines cache mal les souffrances d’un mariage arrangé, traînée par la belle famille de gynécologue en gynécologue pour cause d’infertilité sans que jamais la condition du mari ne soit remise en cause. Nargis (Tannishtha Chatterjee), une activiste, une bandit queen 2.0 aussi belle et féroce que Phoolan Dehvi. Lakshmi (Rajshri Deshpande) bonne à tout faire, de grand-mère en petite fille, qui apporte la touche sociale et la question des castes au récit. Et enfin, Suranjan (Sandhya Mridul), une executive woman proche de la caricature, virant les récalcitrants à tire-larigot, crachant la fumée comme une cheminée, sa fillette au bout d’un bras, son smartphone vissé à l’autre…
Le problème du film est là, à la fois dans l’accumulation des thématiques abordées (il sera aussi question d’homosexualité, de corruption policière, de multinationales inamicales, etc.), et dans le côté caricatural voire improbable des personnages. Le verbe haut, le rire et les larmes faciles des protagonistes engendrent une cacophonie quelque peu étourdissante. Les multiples problèmes des unes et des autres font figure de litanie, on ne sait trop à quoi accorder son crédit, et dans tous les cas, ces saynètes font difficilement corps pour figurer un projet scénaristique robuste.
Et pourtant, on ne décroche pas. L’énergie débordante des personnages scotche le spectateur, la beauté des actrices le captive, l’humour du film l’enchante, même si, encore une fois, on est loin de l’esprit Apatow de Mes Meilleures amies : l’humour y est moins sarcastique, on est plutôt dans une tendance bluette, mais surtout, le film va basculer dans sa dernière partie vers un ton autrement plus dramatique qui l’éloigne définitivement de la comédie pour peut-être le placer au centre de son véritable enjeu.
Pan Nalin a les meilleures intentions du monde avec Déesses indiennes en colère, celles de montrer la violence faite aux femmes dans son pays d’origine. Mettre en scène ces femmes splendidement belles, riches, libres et indépendantes n’est peut-être pas la manière la plus adroite de le faire. Aligner les clichés et les contre-clichés n’est peut-être pas la manière la plus subtile de le faire. Mais la dernière scène du film et surtout son dernier plan, porteur de tout l’espoir qu’il met dans l’avenir de son peuple, suffisent à valider le film, que par ailleurs le dynamisme et la grande Bellezza des actrices (et personnages) très humaines et loin des stéréotypes d’Hollywood rendent très plaisant à regarder.
Créée
le 31 juil. 2016
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