Longtemps oublié, quasi invisible et inédit en vidéo, le quatrième film de Nadine Trintignant Défense de savoir a enfin droit à son édition Blu-Ray grâce à l'initiative de la collection « Nos années 70 » de Studio Canal. L'occasion de (re)découvrir un thriller politique bien ancré dans son époque et porté par un casting de qualité.
« Le monde entier est une scène, hommes et femmes, tous, n'y sont que des acteurs, chacun fait ses entrées, chacun fait ses sorties, et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles. » C'est par cette citation de William Shakespeare que s'ouvre Défense de savoir, première incursion de Nadine Marquand Trintignant dans le genre du thriller. Et à l'image de la dernière séquence, une conférence de presse spectaculaire, le film interroge en effet le spectateur sur les notions de vérité, de duplicité voire de manipulation, venant notamment du monde politique. Dans le registre du film politique des années 1970, il est évident que ce long-métrage fait un peu pâle figure face aux autres œuvres francophones de l'époque signées Yves Boisset, Costa-Gavras ou Claude Chabrol par exemple. C'est d'ailleurs à ce dernier qu'on pensera particulièrement face à la description d'une bourgeoisie provinciale lâche et hypocrite, se croyant tout permis quitte à jouer avec la vérité.
Malgré un scénario intelligent signé Alain Corneau, futur mari de la réalisatrice, l'action est assez laborieuse et la mise en scène s'avère assez banale. Toutefois, on notera une construction réussie du film en flash-backs, nous dévoilant peu à peu les enjeux d'une sombre affaire mêlant meurtres et collage d'affiches électorales. Ainsi qu'une dernière partie de qualité dominée par le duel entre Trintignant et Bouquet, tous deux impériaux, lors d'une interview dantesque où l'art de la manipulation culmine à son sommet.
AFFAIRES DE FAMILLE
Pas toujours passionnant certes, Défense de savoir vaut tout de même le coup d'œil ne serait-ce que pour admirer les performances d'acteurs incontournables de cette décennie. Comme à son habitude, Charles Denner excelle en personnage fiévreux et parano, véritable détonateur d'une affaire qui ne laissera pas de marbre Michel Bouquet en patriarche souhaitant protéger sa famille... autant que sa carrière politique. Habitué à jouer les rôles d'homme de pouvoir cyniques, il retrouvera d'ailleurs Alain Corneau, pour le premier film de celui-ci l'année d'après avec France société anonyme.
Si le film se développe sur l'histoire de la famille du futur député Cristiani, il est aussi en lui-même une véritable réunion de la famille Marquand-Trintignant ! D'abord dévolu à Sami Frey, le personnage de l'avocat revient à un Jean-Louis Trintignant toujours aussi à l'aise pour interpréter un personnage singulier (il est commis d'office à plus de quarante ans), presque inquiétant. Il donne ici la réplique à sa propre fille Marie qui étonne déjà par sa maîtrise dans un second rôle central toutefois. Enfin, Serge Marquand, frère de Nadine, vient compléter ce casting familial au sein duquel on retrouve aussi les excellents Juliet Berto, Bernadette Lafont ou encore Claude Piéplu. Enfin, après avoir signé la B.O. d'Une journée bien remplie, premier film de Jean-Louis Trintignant, le compositeur italien Bruno Nicolai est aussi de la partie. Surtout connu pour ses collaborations avec Ennio Morricone en tant que chef d'orchestre, il délivre ici une belle composition entêtante et rythmée. Peut-être même un peu trop tant le propos et l'action du film semblent en-deça du lyrisme de la musique.
Sans être un incontournable des années 1970, Défense de savoir demeure un film intéressant, révélateur d'une certaine vision de l‘époque sur les élites et la politique notamment, qui méritait de sortir de l'oubli dans lequel il végétait.
Retrouvez l'évaluation de la partie technique du Blu-Ray sorti chez Studio Canal par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=7218