Si Délicieux filme fort bien les mets et leur préparation, s’il compose autant de natures mortes qu’il y a de plats tantôt cuisinés tantôt conçus par le chef, il peine à convaincre lorsqu’il s’agit de raccorder les innovations culinaires et le caractère indépendant de Pierre Manceron au contexte historique prérévolutionnaire. Dès lors, la sous-intrigue amoureuse entre Pierre et Louise s’intègre mal à un récit occupé sinon à goûter, à assaisonner, à assembler : les ficelles scénaristiques sont tout à la fois faciles et forcées, se referment sur les personnages jusqu’à en étouffer la spontanéité, et cela en dépit du talent des comédiens. La partition musicale inspirée de Christophe Julien, compositeur cher au cinéma d’Albert Dupontel, apporte une poésie que corrompt hélas le dialogue, explicatif et pris d’une hésitation quant à la restitution du parler de l’époque. Nous regretterons également une clausule sous forme de happy end des plus poussives, qui consacre l’héroïsme des inventeurs du restaurant témoignant d’une connaissance rétrospective de l’Histoire ici en complète disharmonie avec les enjeux de reconstitution affichés.