Voici un très bon documentaire, incontournable pour qui s’intéresse au cinéma par son sujet et son angle d’attaque. Certes, la facture est très classique, mais le documentaire de création est rare. Mais la réalisatrice X a trouvé un réel fil conducteur et une conduite du récit autour duquel le film se construit et se tient excellemment. Il retrace l’oeuvre féministe de Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos. La réalisatrice interroge notamment Carole Roussopoulos sur ce travail (Delphine Seyrig étant déjà décédée). Ainsi, on y voit d’une part la pensée et l’oeuvre militantes des deux artistes dans une construction partant de la condition féminine en général à celle de la femme de cinéma en particulier, creusant ainsi les particularismes de la situation. Et d’autre part, le propos de Carole Roussopoulos sur ses films éclaire de nouvelles dimensions, qui portent sur l’effet de la pratique cinématographique sur les femmes qui ont participé à ses films, ajoutant une couche d’intelligence aux paroles de l'époque déjà éclairantes.
L’action féministe telle qu’elle est retracée est déjà marquante, dans une époque d’un autre âge, où se tiennent des propos d’une misogynie effarante. Les archives extraites de films de Carole Roussopoulos ou d’autres, sont ici très bien choisies. Mais c’est leur articulation, avec une parole contemporaine, qui donne toute sa richesse au propos.
Déjà, les films expérimentaux et militants de Carole Roussopoulos soulignaient bien la violence, l’enfermement qu’engendraient les pensées misogynes de l’époque. J’ai découvert là son travail, c’est d’une grande inventivité et d’une grande efficacité, une vraie mine de bonnes idées cinématographiques! J’ai à présent envie de voir Maso et Miso vont en bateau, S.C.U.M. Manifesto, Y’a qu’à pas baiser....
Et les intervenantes du documentaire de Delphine Seyrig Sois belle et tais-toi étaient d’une lucidité foudroyante sur les freins à la représentation des femmes dans le monde du cinéma. Je pense que c'est une base pour qui veut comprendre les rapports entre les genres non seulement dans les images de la femme, mais aussi dans la place économique qu’elle peut occuper dans l’industrie. Elles abordaient les stéréotypes, les attentes envers les actrices et les acteurs, le peu de marges de manoeuvre pour les réalisatrices…
Mais le présent documentaire ne se borne pas à une redite. Carole Roussopoulos les éclaire rétrospectivement. Elle explique certains choix de mise en scène. Et il y transparaît ce que la pratique cinématographique - s’organiser pour faire un film, apprendre les techniques audiovisuelles, choisir sa représentation, être derrière la caméra et au montage…- a apporté aux participantes.