Carole organise des ateliers de réalisation vidéo pour arrondir ses fins de mois et permettre aux militantes féministes de s’emparer de ce nouveau dispositif technologique. Elle en est persuadée, il sera la source de l’émancipation de leurs images. Delphine y participe. Elle a déjà joué pour Resnais, Duras, Truffaut, Demy ou Buñuel, elle est connue de tous.tes, mais pas de Carole. Elles se lieront rapidement d’amitié et créeront en 1974 une association dédiée à la production de vidéo militante, politique et féministe qui deviendra les Insoumuses. À partir de là l’histoire est faite. Quarante-cinq ans plus tard, Callisto McNulty en agence l’héritage dans un film à la facture classique qui, malgré un amour sincère pour ces deux grandes figures du cinéma/artistes/militantes/femmes, n’en reste pas moins une œuvre médiocre.
Après une présentation introductrice contée par Carole dans une entrevue pour Hélène Flickinger, McNulty abandonne la narration chronologique pour au contraire organiser, selon des lignes thématiques plus ou moins claires, les vestiges de la lutte militante et esthétique de Delphine et Carole. Malgré sa courte durée, 1h10, le film fait le choix du survoler de nombreux sujets plutôt que de creuser en profondeur certains aspects essentiels de la carrière des deux artistes. On reste en surface, enchainant les allusions nominales à des films ou des évènements sans rentrer véritablement en substance.
On apprend donc factuellement beaucoup de choses sur leurs relations, leurs amitiés et la façon dont elles conçoivent une pratique vidéographique militante avant d’être esthétique. Mais il est dommageable de passer sous silence le qualitatif de leurs vidéos. Les films de Carole, plus de 80, et par extension ses collaborations avec Delphine, une dizaine, ne brillent pas uniquement pour leur caractère « féministes engagées » ; elles sont imbibées de leur époque autant à un niveau militant qu’esthétique, multipliant les accointances avec les films de Chris Marker, Jean-Luc Godard ou Agnès Varda. Elles se battent toutes les deux pour donner la voix à celles qui n’en ont pas et mettre de l’avant les sujets que l’on passe sous-silence. Cependant l’art de Carole n’est en rien un pastiche de ces grand.es auteur.ices. Elle a, au fil du temps, développé une mise en scène habitée par des question sur la représentation, les médias, le sexisme et la dénonciation de l’inceste auquel elle voua une grande partie de sa carrière. Des sujets qu’elle explore avant tout par la pratique et une recherche esthétique plutôt qu’un didactisme scolaire et ennuyeux. Un écueil dans lequel tombe Insoumuse. Ces réflexions s’accompagnent également d’une volonté de révolutionner la façon dont on filme. « Aucune image de la TELEVISION ne veut ni ne peut nous refléter. C’est avec la VIDEO que nous nous raconterons » termine Maso et Miso vont en bateau.Cette citation en forme d’épilogue sera le moteur des questionnements de toute une carrière, comment prendre en main nos propres représentations ?
Cette citation en forme d’épilogue sera le moteur des questionnements de toute une carrière, comment prendre en main nos propres représentations ?
D’un côté ce classicisme à une vertu, visibiliser des images de Caroles et Delphine en lutte contre le système patriarcal et notamment contre son agent télévisuel. Le film prend à cœur son travail d’archivage et son role de rendre accessible des images devenues trop rares mais essentielles pour les mouvements féministes. On a ainsi accès à des images jouissives de Delphine s’opposant avec un grand courage aux propos sexistes de ministres, d’intellectuels qui n’en ont que le nom et d’artistes ratés. Mais ces passages ne sont finalement qu’une enfilade faisant le lien entre leurs actes militants et leurs carrières artistiques. On se retrouve ainsi avec un montage d’archives mou ne faisant que montrer l’approche multidisciplinaire de ces artistes sans engager avec.
Le simplisme de ces choix de mise en scène de McNulty trouve sans doute sa justification dans un débat qu’ont eu Carole et Delphine sur le tournage de *Sois belle et tais-toi*. Qu’elle a, telle une criminel qui a envie de se faire pincer, inclu dans le film. Dans ce documentaire tourné en 1981, les deux artistes interrogent plusieurs actrices de l’époque sur leurs conditions de femmes dans le milieu du cinéma. Delphine réalise et Carole opère la caméra. Le choix de faire les entrevues en plan fixe désole Carole qui, au contraire, estime qu’elle mériterait d’être en mouvement. Delphine est en désaccord, lorsque l’on filme un chef de gouvernement, pour que l’on soit attentif à ce qu’il dit, c’est en plan fixe. Si elles aussi veulent que la parole des femmes soit entendue et prise au sérieux, elles doivent répéter ce dispositif déjà éprouvé. De la même façon, McNulty voulant rendre hommage à ces deux éminentes figures contestataires a consciemment, ou non, fait le même choix. Respecter le matériel original et aligner avec le moins d’artifices possible leurs paroles et leurs actes pour faussement en augmenter la puissance. Ce qui, entre nous, ne fonctionne pas.
Le film donne surtout l’impression de s’écrouler sous le poids de son sujet. Ayant peur de ne pas correctement faire hommage en imposant une esthétique trop marquée le film est écrasé par la responsabilité qu’il s’est lui-même infligée de respecter à tout prix la matière originelle. *Insoumuse* perd par conséquent autant en force émotionnelle que politique. Montrer les segments « tout public » de l’avortement clandestin de *Y’a qu’à pas baiser* n’est pas la même chose que de tenter de comprendre ce que ces images ont de révolutionnaire et les transposer d’une époque à l’autre. Le film ne veut pas s’actualiser et semble déjà daté là où il aurait dû être profondément actuel. En n’arrivant pas à prendre suffisamment de recul sur l’œuvre de Carole et Delphine, McNulty s’enferme dans une cérémonie funéraire et n’actualise en rien une esthétique à l’époque novatrice. On a l’impression de voir devant nos yeux un mouvement d’avant-garde se faire récupérer pour faire des T-shirt vendu chez H&M.
*Insoumuse*, n’est que la mémoire d’une militance passée et se refuse d’être lui-même un acte militant. Un résultat bien sage pour deux artistes qui ne l’étaient pas. Finalement j’aurai du parler de Delphine et Carole et non pas d’*Insoumuses*.
D’un côté ce classicisme à une vertu, visibiliser des images de Caroles et Delphine en lutte contre le système patriarcal et notamment contre son agent télévisuel. Le film prend à cœur son travail d’archivage et son role de rendre accessible des images devenues trop rares mais essentielles pour les mouvements féministes. On a ainsi accès à des images jouissives de Delphine s’opposant avec un grand courage aux propos sexistes de ministres, d’intellectuels qui n’en ont que le nom et d’artistes ratés. Mais ces passages ne sont finalement qu’une enfilade faisant le lien entre leurs actes militants et leurs carrières artistiques. On se retrouve ainsi avec un montage d’archives mou ne faisant que montrer l’approche multidisciplinaire de ces artistes sans engager avec.
Le simplisme de ces choix de mise en scène de McNulty trouve sans doute sa justification dans un débat qu’ont eu Carole et Delphine sur le tournage de Sois belle et tais-toi. Qu’elle a, telle une criminel qui a envie de se faire pincer, inclu dans le film. Dans ce documentaire tourné en 1981, les deux artistes interrogent plusieurs actrices de l’époque sur leurs conditions de femmes dans le milieu du cinéma. Delphine réalise et Carole opère la caméra. Le choix de faire les entrevues en plan fixe désole Carole qui, au contraire, estime qu’elle mériterait d’être en mouvement. Delphine est en désaccord, lorsque l’on filme un chef de gouvernement, pour que l’on soit attentif à ce qu’il dit, c’est en plan fixe. Si elles aussi veulent que la parole des femmes soit entendue et prise au sérieux, elles doivent répéter ce dispositif déjà éprouvé. De la même façon, McNulty voulant rendre hommage à ces deux éminentes figures contestataires a consciemment, ou non, fait le même choix. Respecter le matériel original et aligner avec le moins d’artifices possible leurs paroles et leurs actes pour faussement en augmenter la puissance. Ce qui, entre nous, ne fonctionne pas.
Le film donne surtout l’impression de s’écrouler sous le poids de son sujet. Ayant peur de ne pas correctement faire hommage en imposant une esthétique trop marquée le film est écrasé par la responsabilité qu’il s’est lui-même infligée de respecter à tout prix la matière originelle. Insoumuse perd par conséquent autant en force émotionnelle que politique. Montrer les segments « tout public » de l’avortement clandestin de Y’a qu’à pas baiser n’est pas la même chose que de tenter de comprendre ce que ces images ont de révolutionnaire et les transposer d’une époque à l’autre. Le film ne veut pas s’actualiser et semble déjà daté là où il aurait dû être profondément actuel. En n’arrivant pas à prendre suffisamment de recul sur l’œuvre de Carole et Delphine, McNulty s’enferme dans une cérémonie funéraire et n’actualise en rien une esthétique à l’époque novatrice. On a l’impression de voir devant nos yeux un mouvement d’avant-garde se faire récupérer pour faire des T-shirt vendu chez
Insoumuse, n’est que la mémoire d’une militance passée et se refuse d’être lui-même un acte militant. Un résultat bien sage pour deux artistes qui ne l’étaient pas. Finalement j’aurai du parler de Delphine et Carole et non pas d’Insoumuses.