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Pendant que mes mains accueillent mes souffles d’exaspération, je m’enfonce progressivement dans mon fauteuil, attiré par la force gravitationnelle que seuls les mauvais films savent créer. Vendue avant tout comme une œuvre antimilitariste, si Unicorn Wars nous prouve une chose et s’il a un point commun avec le cinéma d’Uwe Boll, c’est que choquer n’est pas un geste suffisamment puissant dans son essence pour créer du politique. Unicorn Wars ne parle de rien, pensant parler de tout.

Le film d’Alberto Vázquez assume d’entrée son mauvais goût et en fait une priorité aussi bien dans son esthétique que dans son écriture. Un groupe d’oursons mignons et colorés part en guerre contre les licornes. En dehors de vagues raisons religieuses, l’origine du conflit n’est jamais vraiment un enjeu scénaristique, ce qui est tout de même dommageable quand ton film s’appelle Unicorn Wars. À moins que ce ne soit qu’un élément marketing ou une volonté de choquer par contraste. Les licornes ne sont jamais montrées comme une menace et on ne sait jamais réellement pourquoi l’état-major tient à ce point à les exterminer, que ce soit de fausses ou de vraies raisons. De plus, elles vivent dans une forêt complètement déconnectée du reste du monde, permettant au film de facilement reprendre les clichés de la représentation de la guerre du Vietnam. Un conflit sans continuité territoriale, prenant place dans une forêt représentée comme une arène de la guerre. Il enchaîne alors les références visuelles à Full Metal Jacket de Stanley Kubrick et à Apocalypse now de Francis Ford Coppola sans rien en faire de plus. Si Unicorn Wars se veut être une parabole de la guerre au Vietnam, ce n’est pas suffisamment explicite. Citer un film ne signifie pas en récupérer la totalité de sa charge thématique. Expliciter les raisons d’une guerre n’est jamais obligatoire (Incendie) mais il faut alors utiliser son théâtre pour développer l’histoire. Ici le choix de ne pas caractériser le conflit permet à Vázquez de ne jamais clairement se positionner politiquement et laisse le soin aux spectateur·ice·s de l’interpréter comme iels le veulent. Unicorn Wars parle de la guerre en tant que concept abstrait et il n’a rien d’autre à en dire à part que : c’est mal. Si sa volonté était de parler de l’absurdité même de la guerre, l’absence des licornes à l’écran les aurait transformées en chimères, justifiant le titre par la même occasion.

On a ainsi rapidement l’impression qu’en dehors de l’opportunité de montrer des horreurs, rien n’intéresse le réalisateur dans la guerre. Un exemple symptomatique de ce problème est la représentation de l’alimentation dans le film. On nous montre à de nombreuses reprises les soldats chercher de la nourriture. Ici, l’objectif est de nous faire comprendre (et non ressentir) les difficiles conditions de vie des bidasses. Seulement, on ne les voit que trop rarement avoir faim. On a alors l’impression qu’ils mangent tout le temps et on ne comprend pas quand soudainement la faim devient un enjeu scénaristique. Montrer quelque chose pouvant se targuer de retranscrire avec justesse l’impact du conflit sur les corps n’intéresse pas le cinéaste, tout ce qu’il semble vouloir faire c’est réaliser des scènes où les soldats se mettent à manger des cadavres ou des animaux encore vivants. Ce n’est ni drôle ni choquant, ça en devient simplement ridicule.

Cette surenchère de gore installe une banalisation de la violence, sauf qu’encore une fois ce geste esthétique s’arrête là et ne charrie aucune réalité sur la guerre. Le déluge de sang à l’écran enferme le cinéaste dans un cercle vicieux où il devient constamment obligé d’aller plus loin. Il décide par exemple de défigurer le personnage principal, le forçant à porter un masque. Il convoque alors l’imagerie des gueules cassées à la manière d’Au revoir là-haut, mais comme pour le Vietnam il n’en fait rien. Ce choix scénaristique ne devient qu’une excuse pour montrer toujours plus de blessures ouvertes. Il empile les clichés du film de guerre et des discours pseudophilosophiques sur l’armée et les faux héros, mais tout reste inlassablement en surface. Par toute cette accumulation de références vides, de violence et d’effets gores, le réalisateur semble penser qu’il suffit de choquer pour développer un propos.

Cette abstraction du réel s’étend de l’esthétique à la caractérisation du personnage principal : manipulateur, violent et cruel. Son désir de puissance machiavélique n’est pas non plus une conséquence de la guerre ; car on s’efforce tout au long du film de nous prouver à quel point c’est une ordure finie depuis l’utérus. Oui, ce film contient une scène d’utérus. En plus de nous dire que la guerre c’est mal, le second message à faire passer : l’homme est mauvais de nature. Cette médiocrité thématique et interprétative se poursuit jusque dans la réutilisation du poncif des frères ennemis inspiré du mythe d’Abel et Caïn. Encore une fois cela reste simplement un cliché et une excuse pour introduire le twist de fin. Le gentil frère (Abel) ayant sympathisé avec les licornes se fait assassiner par son méchant frère (Caïn), donnant naissance par le fratricide à une boue vivante engloutissant tout sur son passage, donnant à son tour naissance à l’être humain. Une métaphore pachydermique qui nous laisse un goût de « tout ça pour ça ».

Unicorn Wars est un film qui ne développe de propos sur rien, ni sur la fraternité, ni sur la guerre, ni sur la violence, le meurtre, le trash, le mignon, le cynisme ou la religion. C’est juste 1 h 30 de vide qu’on tente vainement de remplir avec de la violence gratuite et qui se veut subversif par sa propension à constamment vouloir choquer les spectateur·ice·s. La seule chose bénéfique qui ressort de tout ça, c’est qu’on a probablement permis à une équipe d’animation de payer leurs impôts. Un des rares points positifs du film, mais qui ne le sauve absolument pas.


Critique également disponible sur Cinemaniak : http://www.cinemaniak.net/unicorn-wars-voyage-au-bout-de-lenfer/

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le 30 oct. 2022

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