Folie d'artisanat
Un projet fou, ultra personnel, bijou d'artisanat, comme on en voit chaque année un au NIFFF (la précédente cuvée nous avait présenté le délire gore Frank & Zed), ce film de Chris Huang est un défi...
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le 4 juil. 2022
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Après le succès de Legend of the Sacred Stone en 2000, Chris Huang et les Studios Pili ont bien envie de continuer dans le long métrage en parallèle de leurs séries. Mais c’est compliqué… Difficile de promouvoir le budaixi (théâtre de marionnettes traditionnel de Taïwan) à l’extérieur de Taiwan car personne en dehors de l’Asie ne semble vouloir prendre le risque de tenter l’expérience cinéma d’un tel spectacle, et en plus un incendie ravage en 2010 plus de 80% du studio, faisant un tas de centre de toutes ces marionnettes et décors. Les Studios Pili tente de se relancer en 2015 avec The Arti : The Adventure Begins en 2015, mais malgré un métrage des plus sympathiques, c’est un échec commercial total. Une collaboration avec le japon pour une série, Thunderbold Fantasy, relance la machine et permet à Chris Huang d’imaginer un nouveau film, Demigod : The Legend Begins. Période de COVID oblige, difficile de mettre ça en boite en plus d’une date de sortie compliquée, les taïwanais ayant eu du mal à revenir en salles après la pandémie. Chris Huang ne perd pas espoir, mise sur les festivals comme celui de Neuchâtel pour essayer de lancer la machine à l’international, mais malgré diverses récompenses, rien n’y fera, Demigod ne fonctionnera pas. Et pourtant, à l’instar de Legend of the Sacred Stone sorti plus de 20 ans plus tôt, nous sommes en présence d’un très bon divertissement, avec une fois de plus un visuel des plus novateur et enchanteur.
On sent dès le début que l’envie était de repartir à zéro, de raconter les débuts de leur personnage phare, Su Huan-Jen, prêt à lancer une franchise si jamais le succès est là (comme en atteste la scène post générique), à l’inverse de Legend of the Sacred Stone qui s’inscrivait dans de l’existant en étant un spin off d’une série déjà bien installée. Ici, la démarche est clairement de toucher un nouveau public, peut-être plus néophyte, avec un travail qui a été prémâché par leur série Thunderbolt Fantasy au succès immédiat, ainsi qu’à d’autres collaboration à travers le monde (par exemple avec Netflix). Le scénario se concentre donc ici sur Su Huan-Jen, qu’on nous dépeint comme un filou, plein de stratagèmes pour éponger sa soif de lecture, et qui va se retrouver mêlé à des histoires où il devra laver son nom, son honneur, et même venir en aide aux Seigneur des Cinq Montagnes à condition qu’il accepte son destin divin. Comme pour Legend of the Sacred Stone, le scénario est un peu trop alambiqué et pourra laisser les non-initiés aux wu xia pian façon Chu Yan un peu sur le bas-côté, avec son lot d’intrigues de palais qui vont engendrer des jeux de pouvoir, des défis, des trahisons, des assassinats, … Néanmoins, on reste dans une intrigue wu xia assez classique, plutôt bien racontée, avec un scénario qui développe suffisamment ses personnages pour que tout se mette en place correctement. On regrettera que le scénario s’appuie trop sur les fondamentaux du genre sans jamais essayer de les réinventer ou d’amener un peu de nouveauté. Il y a également des lacunes sur certains éléments virant au fantastique qui ne sont pas suffisamment développés (l’entrainement de Su Huan-Jen n’est par exemple pas suffisamment appuyé) et un aspect mélo final un peu trop appuyé afin de rendre les enjeux encore plus grands. Mais à l’instar de Legend of the Sacred Stone, cela est composé par le reste, à commencer par un visuel qui laisse toujours autant sur le cul.
Visuellement, Demigod est plus « propre » que Legend of the Sacred Stone, en partie grâce à de bien meilleurs CGI. Nous sommes toujours ici dans quelque chose d’assez fou, avec des décors encore plus travaillés, des marionnettes encore plus belles, plus fines, plus variées (chevalier, sorcier, bandit, fermier, …) à qui on fait faire encore plus de choses différentes. On se surprend parfois à en oublier qu’il s’agit de marionnettes tant la cinématographie les traite comme des acteurs. On a parfois même l’impression qu’elles semblent respirer comme de vrais humains. C’est clairement impressionnant et on sent un énorme travail dans la composition des cadres qui semblent avoir été pensés comme des tableaux. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les captures d’écran qui illustrent ce texte pour s’en convaincre. Le résultat est assez stupéfiant et il est assez facile d’imaginer le travail de titan qu’il a fallu pour en arriver à un résultat pareil, d’autant plus que les CGI ne sont utilisés que lorsqu’il y en a besoin, le Studio Pili ayant préféré construire le maximum de décors et d’accessoires. Ce qu’on perd en charme désuet et en débrouille de Legend of the Sacred Stone, on le gagne en homogénéité entre le live et les CGI et le budget de 100M$ taïwanais semble avoir parfaitement été utilisé. Toujours aussi violence et sanglante façon Chang Cheh, l’action part ici bien moins dans tous les sens que dans Legend of the Sacred Stone, ce qui permet de travailler bien plus les plans et les chorégraphies, de jouer bien plus avec des attaques spéciales à base d’effets spéciaux, mais on y perd un peu cette frénésie jouissive. Ils ne sont pas lents pour autant et restent très nerveux et bien plus fignolé, mais on perd cet aspect neo wu xia pian du début des années 90 qui caractérisait l’action de Legend of the Sacred Stone pour se rapprocher bien plus des standards des wu xia pian de ces dernières années de Chine Continentale, aussi bien les grosses machines sortant au cinéma que ces plus petites mais très nombreuses production DTV sortant sur les plateformes de SVOD chinoises telles que iQiYi. Bien que ma préférence continue d’aller vers un Legend of the Sacred Stone plus kitch, plus bricolé, plus « authentique », il faut avouer que ce Demigod : The Legend Begins a de sérieux atouts dans sa manche et pourra sans aucun souci ravir les amateurs de wu xia pian plein de folie.
Visuellement complètement dingue, Demigod : The Legend Begins est une excellente porte d’entrée pour qui aurait envie de découvrir le travail d’orfèvre des Studios Pili. Si vous aimez les films de sabre chinois, vous devriez être conquis !
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-demigod-the-legend-begins-de-chris-huang-2022/
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Créée
le 22 août 2024
Critique lue 13 fois
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