Jean-Marc Vallée est le cinéaste du silence, de ce silence toujours empli de non dits, d'émotions brutes. Cela avait commencé à s'affirmer avec son précédent film, le très beau Wild, qui, je dois l'avouer reste à mon sens supérieur à Demolition. Cela se confirme ici, avec ce film tout en finesse qui aborde avec une originalité et une élégance rare, parfois cruelle, toujours réussie, le deuil.
Jake Gyllenhal incarne cet homme que beaucoup qualifieraient de bizarre et qui, s'il n'était pour nous le héros du film, nous semblerait aussi fou que désagréable. Et c'est la la force du film : de ne pas nous montrer le deuil dans tout ce qu'il a de tragique, mais de nous le montrer dans tout ce qu'il a de cruel, d'ennuyant, de contingent. Jean-Marc Vallée aime les détails, les éléments furtifs qui rendent forte une image, crédible un récit. Et dans Démolition c'est avec ce détail infime et quotidien qu'est le blocage dans une machine à confiseries d'un paquet de M&M's qu'une occasion se crée.
L'occasion de revenir sur soi, sur son histoire avec l'être récemment perdu. L'occasion de recommencer certaines choses, d'en oublier d'autres et d'aller de l'avant. L'occasion de démolir deux-trois trucs.
Si à la lecture du scénario on a des raisons de rester circonspect (un veuf entretient une liaison épistolaire avec la responsable qualité d'une société produisant des distributeurs automatiques et décide, pour mieux se reconstruire, de tout détruire) et que l'aspect destruction du titre peut en dérouter plus d'un (et moi le premier, qui ai une satanée horreur des destructions inutiles d'objets, autant dans la vie réelle qu'au cinéma), sans que l'on comprenne vraiment pourquoi, dans l'histoire qu'a écrite Jean-Marc Vallée, cela se comprend tout à fait, cela prend une cohérence, même une nécessité bizarre qui fonctionne à merveille
Parfois le récit se perd un peu, notamment dans la relation toujours entre deux chaises que notre héros établit avec cette mère célibataire un peu perdue qu'incarne avec douceur Naomi Watts. Mais c'est une immense curiosité qui gagne le spectateur ; jusqu'où ira cette histoire farfelue ? Comment pourrait-elle se conclure ?
Elle se conclut bien, sobrement, quoique trop facilement compte tenu de l'originalité et l'audace scénaristique du reste du film. La fin est belle mais convenue, un peu hollywoodienne.
Avec tous ses personnages finement écrits (notamment le fils de Karen), son montage unique, comme un chapelet de séquences émotives et douces, ponctué çà et là de silences, de souvenirs, Demolition reste une belle expérience sensorielle, originale et émouvante qui prouve une nouvelle fois le talent de son prolifique réalisateur.

Créée

le 20 juin 2016

Critique lue 191 fois

Charles Dubois

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