Eh mais en fait il est bien le film?

Je m'attendais pas spécialement à me sentir autant investi dans un film à la réputation plutôt nanardesque. Et si quelques scènes d'actions dans sa première moitié ont effectivement l'illisibilité d'un nanar, le reste est digne d'un bon film de SF sans trop de complexes.

Déjà, le film est drôle, et pas de manière involontaire à vrai dire. Certaines scènes comiques sont même plutôt bien servies par le casting, et la VF gère plutôt bien les jeux de mots (qui ne me choquent pas outre mesure, au moins c'est divertissant et bien moins lourd que dans Batman et Robin). L'aspect voyage dans le temps avec la découverte d'un nouveau monde par un habitant d'une autre époque permet évidemment de cimenter le tout sur de bonnes bases, mais la grande force du film réside sans doute dans sa critique politique. Et de ce côté-là, les propos sont plutôt généreux. Pas seulement sur le fait que les pauvres se font mépriser et abandonner par la société bourgeoise qui a prit le contrôle, mais aussi à travers la manière dont cette société bourgeoise se comporte: à la quarantième minute du film ont lieu les meilleures lignes de dialogues, au sujet du puçage des citoyens par le système policier.

Dans Demolition man, l'élite politique surveille ses citoyens, aseptise les pensées avec une obsession pour le bonheur artificiel et niais, difficile de trouver cela absurde lorsque l'on vit en 2022. Plus intelligente encore est sans doute la manière dont est utilisé l'antagoniste principal du film, interprété par un Wesley Snipes un peu cabotin. Ici, le lumpenprolétariat est utilisé comme un moyen de s'en prendre aux revendications sociales et comme terreur au sein des classes populaires. Simon Phoenix n'est pas seulement un criminel, il est surtout un criminel qui arrange bien l'élite en place (jusqu'au jour où cette dernière perd le contrôle, forte de son arrogance - un peu plus et on pourrait faire un parallèle avec les taliban et autres islamistes soutenus par les USA avant qu'ils ne deviennent les terroristes que l'on connait).

Un film qui critique le politiquement correct, la surveillance généralisée, l'hygiénisme excessif et la répression des revendications sociales ne peut prétendre être un film profondément de droite à mon sens, quand bien même il est question de poser la violence policière des deux côtés de la balance et de l'encenser parfois à travers son héros dénué de sens de la mesure. Les propos politiques sont même souvent justes si on éclipse cette partie, et le nombre de parallèles avec la société actuelle est plutôt flagrant. Un dernier exemple peut être intéressant, à travers la manière dont les héros semblent avoir un rapport sexuel. C'est moi ou cela rappelle furieusement cette société capable de ressentir du plaisir qu'à travers l'usage de supports pornographiques?

bref, je veux pas faire le vieux con, et je pense même que les droitards fans de violences étatiques devraient se sentir bien idiots à apprécier le film sans comprendre l'intégralité des messages qui y sont passés. Les plus futés noteront en effet que le protagoniste estime la violence policière légitime tant qu'elle ne vient pas sanctionner l'expression de revendications populaires légitimes comme le souhait de sortir de la pauvreté. De là à y voir une critique anticipée de la répression des gilets jaunes, il y a un pas que je pourrai franchir allègrement.

D'une certaine manière, oui, je pense que certaines choses étaient mieux avant.

(vu que je rentre de vacances, j'ai chopé plein de coquillages. j'en fais quoi maintenant?)

lordwraith

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