Hongrie, 1986.

L'écrivain de science-fiction István Nemere publie son roman Holtak Harca qui raconte l'histoire suivante:

"Un terroriste et un homme appartenant à la cellule anti-terroriste sont cryogénisés puis "décongelés" au XXIIe siècle où toute violence a été expurgée de la société. Dès lors, les deux hommes vont tenter de s'adapter à ce monde nouveau tout en se pourchassant..."

Los Angeles 1988.

Le scénariste Peter M. Lenkov met son script Demolition Man en vente.

Voici la trame générale:

"Un malfrat et le policier qui l'a arrêté sont cryogénisés puis "décongelés" au XXIe siècle, dans une société expurgée de toute violence. Tentant de s'adapter à ce monde nouveau, le flic va pourchasser le criminel..."


Ce script est alors un pur thriller de S-F et c'est la Warner Bros qui jette son dévolu dessus. Mais le ton trop sérieux dérange les exécutifs et une ré-écriture est alors commandée au scénariste Daniel Waters (Heathers vient tout juste d'être porté au cinéma par Michael Lehmann, futur réalisateur du sous-estimé Hudson Hawk, co-scénarisé par le même Waters).

Mais la WB n'est toujours pas satisfaite et fait appel à Robert Reneau (Action Jackson), puis demande à Fred Dekker (RoboCop 3 ou The Predator...) de le retravailler (c'est lui qui imposera le prologue se situant en 1996) et enfin, c'est Jonathan Lemkin (Devil's Advocate) qui apportera la touche finale au script (mais Lemkin ne sera pourtant pas crédité au générique).


Le projet est d'abord proposé à JCVD et Steven Seagal, mais aucun des deux ne voulant jouer le "villain" Phoenix, ils quitteront rapidement le navire (Seagal part en Alaska réaliser son premier - et dernier - film "On Deadly Ground" et JCVD naviguera dans les eaux de la Louisiane avec le Hard Target de John Woo).

C'est donc là que Stallone entrera en scène.

Notre Sly préféré voit déjà qui pourrait interpréter le bad guy de l'histoire: son ami Jackie Chan. Mais celui-ci argue du fait que le marché asiatique n'est pas préparé à le voir jouer un personnage de méchant et refuse donc l'offre, car sortant tout juste du tournage de Crime Story, le film le plus violent de la carrière de Jackie en 1993.

C'est donc Wesley Snipes qui sera choisi, après son excellente interprétation du Nino Brown dans le génial New Jack City.

Le tournage peut enfin débuter sous la direction d'un nouveau venu du vidéoclip, Marco Brambilla.
Les trois têtes d'affiches sont donc choisis:

  • Stallone/Spartan,
  • Snipes/Phoenix
  • et Lori Petty/Lenina Huxley.

Mais cette dernière quittera précipitamment le tournage suite aux sempiternels "différends artistiques" (la teneur réelle de cet abandon soudain restant obscure à ce jour).
C'est donc la quasi-inconnue Sandra Bullock (2 films confidentiels et quelques rôles TV à son actif) qui prendra (brillamment) la relève.


A noter enfin que la voix féminine de l'ordinateur au QG de la police est celle d'Adrienne Barbeau (The Fog, Escape from NY)


Lorsque le Rough Cut atterrit sur le bureau de la Warner, les exécutifs font un peu grise mine, car le film reste malgré tout trop violent (malgré l'adoucissement progressif du script originel). Stuart Baird doit donc revoir sa copie et élimine ce qui lui est demandé, soit:


  • l'arc narratif concernant la fille de Spartan (celle qu'il protège pendant la fusillade dans le Underworld et qu'on revoit à la fin à côté de Edgar Friendly),
  • la scène où l'on voyait Phoenix énucléer le directeur de la prison William Smithers,
    • Phoenix tuant aussi Zachary Lamb en ressortant de l'Underworld,
    • la mort des gars de Phoenix lors du climax final,
    • le combat entre Spartan et Adam (le catcheur Jesse Ventura déjà vu dans Predator),
    • et quelques réaménagement et redoublages mineurs ici et là.

    Le film enfin devenu satisfaisant aux yeux des pointes de la Warner, il sort le 11 octobre 1993 aux USA et rapporte 58 M$ pour un budget de...57 M$ !
    Soit un score limite catastrophique !


    Heureusement, les recettes internationales rajouteront 100 M$ à cela et sauveront donc les meubles.

    Mais c'est à partir de ce moment-là que Silver Pictures (boite de prod de Joel Silver) perdra de son prestige et de son pouvoir, si l'on excepte la trilogie Matrix, bien sûr...

    Pour finir sur la genèse du film, une accusation de plagiat remonta à la surface via l'auteur Hongrois de Holtak Harca.

    En effet, d'après un expert mandaté par Nemere himself pour comparer le script du film et son roman, il y aurait plus de 75% de la trame qui correspondrait.

    Nemere - qui n'est pas un écrivain à la petite semaine avec ses 701 livres publiés jusqu'en 2018 -, a choisi à, l'époque de ne pas attaquer la Warner pour plagiat au regard des mirobolants frais que cela lui génèrerait...


    Qu'en est-il du film lui-même ?

    Well, ça reste toujours très chouette malgré quelques scories minimes:


    • les effets visuels ne sont parfois pas terribles (essentiellement les incrustations de flammes - par trop non naturelles - et quelques blue-screen ici et là),

    des incohérences:


    • pourquoi Phoenix n'a pas été marqué par une puce électronique alors que Spartan si (ils ont été pourtant cryogénisés à la même période),
    • comment se fait-il que Lenina ait un (si grand) bureau rempli d'objets contrevenants à l'ordonnance 22 sur la contrebande (dixit la réplique d'Alfredo Garcia à Huxley) ?,
    • comment est-ce qu'un accidenté peut continuer à respirer s'il est intégralement pris dans la mousse anti-choc ?,

    Bien sûr, les scènes coupées ou remontées apportent leurs propres lots d'incohérences comme:


    • qu'est-il advenu de la fille de Spartan,
    • pourquoi les criminels de la bande de Phoenix disparaissent subitement du film sans explications...
    • et surtout la question sans réponse: comment utilise-t-on ces trois FOUTUS COQUILLAGES ???

    Bref, malgré cela, le film reste hautement compréhensible et recommandable !


    Le personnage de Phoenix est brillamment écrit et son humour vache n'atténue même pas son côté bad guy (ce qui en général n'est pas le cas), Spartan offre à Stallone un rôle auto-parodique (le flic balèze et macho perdu dans un monde qu'il ne comprend pas) et Huxley * donne à Bullock le cadre parfait pour enfin accéder au vedettariat.
    *A noter que le nom Lenina Huxley fait référence à Lenina Crowne, personnage féminin principal du Brave New World de l'écrivain anglais Aldous Huxley.

    La réalisation énergique de Brambilla (disparu des radars pendant un bail) sert à merveille son sujet, tandis que le score de Goldenthal (reconnaissable en mille pour celui qui connait bien la splendide OST d'Alien 3) illustre rondement le tout.


    La private joke sur Schwarzenegger est délicieuse puisque celui-ci est quand même devenu par deux fois le Gouverneur de la Californie.

    De plus - mais cela n'était pas voulu - le dit Schwarzy et Stallone se produisent tous deux dans un film d'action auto-parodique: Last Action Hero (où il; y a aussi une private joke sur Sly et sa prestation dans Terminator 2) et ce Demolition Man, donc, qui seront tous deux des semi-échecs au box-office mais deviendront culte par la suite.


    Mais le film se focalise aussi sur une société amorphe où tout ce qui est considéré comme nocif a été banni de la société (alcool, tabac, sexe, avortement, vulgarité...) et donne ainsi un cadre de vie lisse, fade et ennuyeux à mourir.
    Ce côté satirique est fortement réussi, le double point d'orgue étant l'amour virtuel (qui parait être un truc vraiment flippant) et les traits de réhabilitations des prisonniers (Spartan étant ainsi devenu une parfaite couturière).


    Bien sûr, j'aimerai beaucoup voir le cut original mais...serait-il mieux que cette version que nous connaissons tous ?
    Mmm...Pas sûr...

    C'est amusant d'ailleurs, puisque le cut originel de Last Action Hero est lui aussi dans les limbes et à mes yeux, la version ciné actuelle me plait telle qu'elle est.

    Last Action Hero et Demolition Man: même combat et même victoire à mes yeux, puisque je m'éclate toujours a les voir et ce, depuis 25 ans !

    Demolition Man by Sting:
    https://www.youtube.com/watch?v=QSOxgrv7osk

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    The Lizard King

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