Film vu dans les salles obscures après tant de mois d'attente, Demon Slayer : Infinity Train est la suite de l'animé Demon Slayer de 26 épisodes sorti en 2019. Tout droit sorti des studios Ufotable et Aniplex en octobre 2020, il est rapidement devenu le film le plus lucratif du Japon, surpassant Le voyage de Chihiro, malgré le nombre limité de films et de places disponibles dans le pays à cause de la pandémie. Mais est-ce que pour autant sa qualité est égale - ou supérieure - à celle de son prédécesseur ? Pas la peine de poser la moindre question, non, clairement pas, le film est beaucoup trop surcoté.
Il se divise en deux parties :
- Il y a la première moitié, ou les deux premiers tiers. C'est la
meilleure partie du film, car elle traite de sujets qui, à défaut
d'être innovants, sont toujours intéressants. On reprend des thèmes
et des situations déjà utilisées dans d'autres œuvres, mais le film
s'en tire bien car finalement une grosse partie du potentiel des
événements est exploité. Il y a cependant quelques facilités dans la
résolution des événements (p. ex. reflet dans l'eau), qui laissent un
goût amer en bouche qu'il est difficile d'oublier. En parallèle on
utilise ces thèmes pour développer un personnage nouveau à l'aide de
flashs backs. Ceux-ci restent cependant superficiels et ne
contribuent pas à un développement futur, mais permettent de mieux
cerner son caractère. Une des choses intéressante est que les
personnages arrivent à s'en sortir grâce à leur personnalité ou leur
apparence. Une façon originale de résoudre les problèmes qui démontre
une forme d'intelligence dans le scénario, et où on voit les efforts
de Koyoharu Gotoge pour créer des personnages sortant du cliché (même
s'il ne fait qu'accentuer à l'extrême un trait de caractère).
- Et il y a le dernier tiers. Là où tout bascule. Le début qui
commençait pourtant si bien s'écroule rapidement après l'arrivée d'un
certain personnage. Ça part dans des combats qui sont certes bien
réalisés côté animation et graphismes, mais tout le côté émouvant
disparaît. Le climax et ce qui suit aurait dû être le moment tragique
de l'histoire, là où le drame est à son paroxysme, là où l'émotion
devait être la plus forte. Mais ça ne fonctionne pas, car au final
tout repose sur un personnage auquel on a vraiment du mal à
s'attacher et à s'identifier. Donc de longues minutes
d'incompréhension passent lorsque la résolution finale arrive puisque
tout le côté "tragique" ne se fait pas ressentir.
Je résume juste comme je n'ai pas été très clair au-dessus, c'était pour ne pas spoil.
En gros, la mort de Rengoku ne m'aura pas fait bouger un cil ; le personnage est mort (il était au passage évident qu'il allait mourir), mais comme il est vraiment peu attachant (on le découvre en train de manger et de répéter le même mot - comment s'identifier à ça ? On a l'impression que le personnage n'a aucune émotion, à sourire tout le temps avec les mêmes yeux), c'est à peine si j'ai ressenti un frisson malgré la musique et les graphismes.
En tout cas, l'animation est incroyable. C'est quelque chose qu'on ne peut enlever à ce film ; rien que la première scène de combat à de quoi faire frissonner avec l'animation seulement. La 3D est - pour une fois - efficace et réussie. Elle arrive à facilement s'intégrer dans les décors en 2D sans pour autant que la différence entre les deux types de dimensions soit trop grande. Les rapides "travellings" de la caméra pour voir une scène sous un autre angle donne même l'impression d'être dans de la VR ; et les combats, accompagnés de graphismes fidèles au manga, rendent la plupart des scènes colorées et imposantes.
Par contre que l'intrigue est prévisible. Aucun événement n'est surprenant et on voit arriver chaque situation à plusieurs kilomètres. Avec un peu de réflexion il n'est vraiment pas difficile d'anticiper les futures actions des personnages ou le développement futur de l'intrigue, ce qui est relativement dommage.
Qui ne s'attendait pas à ce que Nezuko réveille Tanjiro ? Qui ne s'attendait pas à ce qu'une lune supérieure apparaisse ?
Même la mort de Rengoku est prévisible.
On retrouve d'ailleurs quelques passages plutôt maladroits qui penchent vers l'incohérence :
Les enfants qui disent des choses comme "je n'ai jamais vu une tel noyau", ce qui implique qu'ils en ont vus d'autres, alors que c'est très peu probable.
Ou alors les passagers du train qui veulent dormir (on ne comprend pas pourquoi ?)
Et à la fin la lune supérieure qui reste bloquée alors qu'elle a juste à s'arracher les bras ? Avec sa force ça ne doit pas être bien compliqué.
Au final cela crée quelques temps inutiles, et certains passages peuvent même être malaisants à regarder. Les dialogues ne sont pas au top de leur forme et font d'ailleurs beaucoup trop Shônen (oue le héros est beaucoup trop pur je me suis pâmé devant sa pureté) et paraissent à la fin presque incompréhensibles.
L'humour, si je puis l'appeler humour, n'a rien de drôle. Les blagues qu'on retrouve déjà dans l'animé, à force de répétition, s'usent et peuvent même gêner le spectateur ; quant à celles qui sont spécifiques au film, elles ne sont tout simplement pas drôles. Certaines situations relativement atypiques arrivent tout de même à faire esquisser un sourire, mais ça s'arrête là.
La BO est parfaite. Impeccable. Rien à redire. Dans les deux premiers tiers en tout cas. Dès le début, la mélodie nous replonge avec émotion dans l'aventure des personnages ; la chanson, "Homura", de LiSA, ne fait pas le boulot à moitié et concorde parfaitement avec l'ambiance de l'histoire. Puis certains passages du deuxième ending de l'animé (Kamado Tanjiro no Uta) viennent s'ajouter par moment et rendent quelques scènes sensationnelles.
Vers la fin la qualité baisse légèrement. La musique en mode métal/hard-rock pour le dernier combat s'accorde difficilement avec l'univers de l'ère Taisho (après l'ère Meiji) qui nous a été présenté jusque là.
Bon, voilà, Demon Slayer : Infinity Train est un film largement surcoté, mais n'en reste pas moins un bon film. Mon avis aura certainement été influencé par mon visionnage au cinéma, le premier depuis plusieurs mois.