Departures (Okuribito) n’a pas que des qualités mais un coup de cœur particulier pour sa manière et son introduction, raffinée et d’un bel optimisme.
Le cinéma est une question de ressenti et parfois une seule scène peut suffire à noter avec allégresse !
La lecture d’Akira Yoshimura déjà m'avait plongée avec délice dans la thanatopraxie, détaillant la délicatesse des os toujours dans son écriture détaillée, passionnante et teintée de fantastique pour des amoureux improbables du corps, et l’écrivain sait nous transporter avec poésie, loin du sordide, abordant la thématique de la beauté de manière bien particulière. La délicatesse et le respect des corps se retrouvent ici dans les rituels funéraires. Et curieusement alors qu’ils apportent un soin particulier et minutieux à leur préparation en signe de respect et d’hommage à la vie vécue, les choyant et les mettant en lumière, l’activité reste tabou au Japon. On pense alors à nos pompes funèbres françaises, qui ont souvent aussi un rapport désastreux à la fin d'une vie et on remarque l’attitude de majorité de gens, vis-à-vis des personnes âgées notamment. Il y a ce sentiment toujours étrange et déplaisant, qu’ils n’aient jamais existé, une fois que la conscience se délite ou que la mort intervienne, Yōjirō Takita sait alors nous remémorer ces attitudes, et nous questionne.
La caméra appuie le travail délicat, révélant tout l’art du procédé et le respect des traditions et du passé pour un travail de mémoire qui fait défaut à Daigo. Le cinéaste le montre par son retour aux sources. Après la fermeture de son orchestre, il reviendra dans la maison familiale, où son nouveau travail et la transmission du savoir-faire et du respect de l’autre par son employeur, l’aideront à sa reconstruction.
Parfois sans musique et sans dialogue, longs plans sur les mains et leur gestuelle, vêtements et couleurs lumineuses. Blanc pour le deuil, rouge pour la vie, maisons foisonnantes de souvenirs. Décors travaillés où les maisons des défunts se révéleront bien plus agréables qu'un bureau ou une habitation avec une photographie plus sombre, rappelant à l’adversité de la vie, aux dédales compliquées à son cheminement.
Calme et paisible l’ambiance est rafraîchissante, et la mort reste un passage obligé, mais magnifié par le rapport au corps.
On participe aux assemblées parfois incapables d’éviter les crises familiales...on s’instruit avec un documentaire pédagogique à l’allure de spot publicitaire, des plus instructifs, ou encore cette première préparation d’un mort pour Daigo, apportent des touches d'humour à froid jouissives et malgré un sentimentalisme parfois maladroit, le cinéaste soigne la caractérisation de ses personnages. La solidarité face au malheur, l’appui face à la solitude, mais aussi l’incommunicabilité, la culpabilité, le pardon, l'héritage et la transmission et ces thématiques viennent boucler la boucle.
On regrette tout de même que les personnages féminins ne soient pas valorisés. Celui de la secrétaire dégage à elle seule toute l’émotion d’une situation de solitude et de regrets. Le patron lui même vivant dans le deuil de son épouse depuis 9 ans, perpétuant encore et toujours sa dernière toilette, vivant dans un passé révolu mais où son caractère fermé recèle des trésors d’humanité.
En choisissant d’axer son récit sur un jeune homme réticent à ce travail et de placer le rapport au deuil par le regard d’un intervenant extérieur, la prise de recul nous place comme spectateurs privilégiés du refus de l’oubli.