Dernières Nouvelles du Poète

La poésie, aujourd'hui, ne semble plus que l'ombre d'elle -même,
Elle aurait disparu, et ses amoureux, selon les dires de ce garçon rencontré un jour à la BU, ne seraient plus très nombreux.
Excepté peut-être à Paterson,nous susurre Jarmush, où dans quelques coins retirés des regards,
Et pourtant, au milieu des nénuphars, sur l'écume des mots et des sonorités, naquit en 1985 une nouvelle Vénus.
La Déesse de la Poésie.
Elle ne parle pas, ne sait ni lire , ni écrire, ni compter, ni faire ses lacets toute seule, ni faire quoi que ce soit. A première vue, on la prendrait pour une demeurée. Ou une autiste profonde, comme le dit les médecins encombrés de diagnostics pompeux : autiste déficitaire( vocabulaire bien approprié dans la société de la performance)
Un jour survint un miracle : avec son petit scrabble, elle parvint à aligner des mots, et quels mots ! une explosion de sensations, de liberté, d'amour , de fantaisie.
Elle ne prononce ni ne dit rien de banal comme si l extraordinaire s'était emparée d'elle . J'ignore les conversations des grands poètes : imaginons Baudelaire disant à Nadar qu'il doit faire des courses aujourd'hui ou La Rimbe hurlant à Verlaine qu'il n'a pas rangé ses chaussettes, et autres trivialités du quotidien ô combien nécessaires.
Chaque phrase de Babouillec est poésie, langage de la Beauté, langage du divin.
Une question alors : faut-il pour atteindre une telle grandeur s'enfermer dans un espace de pure imagination où la médiocrité n'aurait pas sa place? Un grand esprit ne peut plus intégrer notre société saturée d'experts , c'est-à-dire d'insignifiants?
Babouillec nous interroge , méprise les articles de Libération( quelle lucidité!), questionne ce mathématicien tétanisé devant ce génie simple, nu , doté de son savoir factice, devant une puissance créatrice qui fait fi de tout apprentissage (elle a raté la maternelle , nous dit-elle), car , ordonne-t-elle : «Fais-moi une place dans la chaîne à penser, crie en majuscules le silencieux fil d’Ariane coupé du reste du monde."

( ceci n'est pas une critique du documentaire, pas très réjouissant d'ailleurs, mais plutôt un portrait de la poétesse)