Une supercherie, poétique certes, mais supercherie quand même

Ce film documentaire est basé sur une supercherie: faire croire qu'une enfant autiste déficitaire est capable d'écrire des textes poétiques de haute volée.

C'est l'histoire d'Hélène Noël , "Babouillec", une enfant autiste sans langage. Sa maman découvre qu'elle aime jouer avec les mots, puis les lettres, écrites sur de petites cartes. Petit à petit Babouillec assemblerait les lettres, puis les mots , pour en faire des phrases qui ont du sens. Le problème c'est qu'on ne voit jamais l'enfant assembler les lettres seule. Sa mère est toujours présente à côté d'elle, elle l'aide à déplacer les lettres. C'est d'ailleurs fascinant de voir les gestes rapides de la mère, ces mains qui volètent au dessus des mains de sa fille. Je pense que la mère ne se rend même plus compte de ce qu'elle fait, tellement elle est fascinée par sa propre création. La mère et la fille développent en fait un jeu commun, mais qui est dirigé par la mère.

Hélène aime jouer avec les petits cartons, comme beaucoup d'enfant autistes qui s'intéressent aux pictogrammes, surtout aux petits pictogrammes, car la personne autiste pense en "détail". Mais la mère dirige sa fille comme une marionnette avec des fils invisibles. On la voit pointer de façon très rapide au dessus de certaines lettres, dirigeant ainsi le geste de sa fille. Les textes produits sont ceux de la mère. Ils ont peut-être une valeur poétique mais j'avoue que je n'y suis pas sensible, sachant la supercherie qui est derrière.

Il est extraordinaire de voir comment ce film et les livres qui y sont attachés ont été reçus de façon positive dans le monde culturel, littéraire, théâtral. Il n'y a qu'à regarder les commentaires en général élogieux que l'on trouve sur ce film dans Google. Par contre quasi aucun commentaire n'émane du monde médical et des personnes concernées par l'autisme. Or toute personne qui connait un peu cette pathologie comprendra d'emblée qu'on a affaire ici à une mise en scène d'une pseudo-technique bien connue et décriée depuis longtemps par les spécialistes, à savoir la "communication facilitée". On pense faire parler ou écrire la personne sans langage, mais c'est en fait l'intervenant qui dirige le geste.

Ceci dit, la jeune Hélène ne semble pas souffrir de la situation. On la voit non seulement jouer avec les lettres mais aussi faire du cheval, aller à la mer , danser.. Elle a des parents qui évoluent dans un milieu artistique, musical et poétique. L'histoire est mise en scène au théâtre, Hélène va au festival d'Avignon.. Toute cette histoire fait rêver à des choses impalpables: les mots seraient "enfermés" chez une personne muette, et ces mots seraient miraculeusement "libérés"par la vertu de la poésie. Tout cela est bien joli mais c'est du fake malheureusement.