Dersou Ouzala offre une véritable fenêtre sur l’esprit de Kurosawa alors qu’il traverse une période sombre de sa carrière. Après l’échec commercial de son premier film en couleur Dodes’Kaden en 1970, il tente de mettre fin à ses jours en 1971 alors qu’il doute de lui-même, de son talent et qu’aucun studio japonais ne consent à lui faire confiance.


C’est seulement en 1973, alors qu’il est contacté par le gouvernement soviétique dans le but de relancer la popularité de la télévision russe, que Kurosawa va pouvoir s’approprier les écritures autobiographiques du soldat russe Vladimir Arseniev. Il dépeint un des personnages les plus attachants du cinéma. Filmer des paysages magnifiques n’est pas si difficile. Mais quand vous parvenez à ancrer une histoire et des personnages émotionnellement forts, votre film prend une dimension toute autre.


A cet égard, Dersou Ouzala a largement influencé The Revenant, selon les dires même de son réalisateur. Inspiration qui s’étend pour l’anecdote jusqu’aux nombreux problèmes de tournage. Le perfectionnisme des deux réalisateurs et les conditions difficiles des lieux ayant eu raison de plusieurs équipes techniques. Mais alors que le film d’Iñárritu mettait en scène l’homme contre la nature, Dersou est un homme avec la nature. Il n’est qu’un petit élément dans un écosystème immense. Il recherche toujours la symbiose, l’équilibre. Dans les deux films, c’est la force de la nature qui est célébrée. C’est déjà la dégradation de la relation entre l’homme et la nature que dénonce Kurosawa, accompagnée d'une leçon d’humilité.


Développé dans les années 70 en même temps que Dersou Ouzala, et rappelé récemment par un Aymeric Caron avec lequel je trouve enfin un terrain d’entente, l’antispécisme met sur pied d’égalité toutes les espèces vivantes. Le personnage de Dersou incarne pleinement cet esprit. Kurosawa le résume dans ce commentaire, plus important aujourd’hui que jamais.



La relation entre l'être humain et la nature va de plus en plus
mal... Je voulais que le monde entier connût ce personnage russe
asiatique qui vit en harmonie avec la nature... Je pense que les gens
doivent être plus humbles avec la nature car nous en sommes une partie
et nous devons être en harmonie avec elle. Par conséquent, nous avons
beaucoup à apprendre de Dersou.


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le 22 avr. 2016

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Peaky

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