Comme le dit le sergent : "Ces filles, c'est de la dynamite !" Le film suit un jeune lieutenant qui doit escorter d'Athènes à Ohrid (actuelle ARYM) un camion à bétail chargé de prostituées qu'il faut livrer dans une série de localités, alors que des attaques de partisans grecs sont possibles à tout moment, et l'on comprend assez facilement l'analogie avec le film d'Henri Clouzot qui se dessine.
Et d'une certaine manière, le film en reproduit un peu la trame : plan de départ, séries d'aventures, parfois joyeuses, puis situation terriblement critique qui fait tout basculer.
Mais c'est tout de même différent. Ne serait-ce que parce qu'il y a des femmes, et que le film, pacifiste et féministe, dénonce la masculinité guerrière, mais aussi l'absurdité des combats. Avec une série de portraits, dont certains ne sont qu'esquissés, et c'est peut-être mieux ainsi. On retiendra le tandem entre le lieutenant et Marie Laforêt, couple de jeunes gens torturés par la situation tragique, et, en contrepoint, le couple bienvenu entre le sergent et la prostituée âgée, qui sont moins naïfs et ménagent des moments de chamailleries qui détendent un peu.
Le film commence par des scènes dramatiques sur la situation à Athènes, avec une peinture terrible d'êtres errants à la recherche de nourriture. Et puis, quand le convoi prend sa route, l'ambiance devient faussement légère. A chaque arrêt, une ou deux filles descendent tandis qu'une foule d'Italiens en rut les attend, toute trace de civilisation jetée aux orties, et les filles ne sont pas surprises, elles s'efforcent de donner le change.
Il y a une belle galerie d'actrices, et Anna Karina en grande soeur de Marie Laforêt (la première s'en sort mieux que la seconde), et d'autres actrices au visage mémorable. Les acteurs masculins ont des rôles assez stéréotypés et prévisibles (le lourdaud au coeur tendre, le lâche, le gars décent torturé...).
C'est la Grèce : les paysages de montagne sont magnifiques, et le noir et blanc est exploité avec un sens du cadrage qui n'exclut pas quelques trouvailles. Il y a juste quelques transitions un peu abruptes entre certaines séquences. Bon, le principal défaut est la musique, le thème principal revenant sans grande variation un peu trop souvent pour appuyer les moments émotionnels.
Le dénouement s'éternise un peu inutilement. On avait compris ce que ressentait le couple-vedette sans qu'il soit nécessaire de le leur faire formuler (ça paraît niais). La toute dernière séquence, en revanche, est très bien, sans happy ending (on ne va d'ailleurs même pas jusqu'à la fin du voyage prévu).
Film de guerre avant tout même s'il met du temps à se montrer comme tel, Des filles pour l'armée, derrière son titre racoleur, est un film émouvant, pacifiste et féministe, un peu trop bavard pour son bien mais indéniablement cinématographique. A découvrir. Merci Arte !