"Des pas dans le brouillard" est une victime parmi tant d'autres de ces superbes films tombés dans l'oubli alors qu'ils en ont suffisamment dans le pantalon pour rivaliser avec les grands classiques du genre. Déjà le simple fait de lire le synopsis vous donne cette irrépressible envie de vous y jeter mais quand en plus le résultat final est plus qu'à la hauteur de vos espérances, c'est la jubilation qui règne.
Avec 1h30 au compteur, Arthur Lubin va à l'essentiel sans qu'il n'y ait jamais de temps morts qui parasitent une histoire dérangeante, machiavélique, redoutable où les deux protagonistes tissent chacun leur toile pour y piéger l'autre. Le richissime veuf n'est pas à sauver au vu de sa machination qui a envoyé son épouse ad patres mais sa désormais gouvernante n'en est pas moins condamnable. En effet, elle usera de divers stratagèmes pour le garder auprès de lui même s'il faut pour cela outrepasser la loi. Ce refus de la pitié et de l'héroïsme est incisif, perturbant et si captivant. Je pense évidemment à la séquence dans le brouillard renvoyant bien sûr à l'incertitude existentielle d'un assassin qui dissimule son crime. Nous pouvons aussi rajouter le passage au tribunal, sidérant d'audace en un sens que ce procédé est souvent utilisé pour conclure une histoire. Hors ici, elle sert de nouveau démarrage en ayant lieu à la moitié du film.
Enfin, Jean Simmons aide beaucoup à la réussite de ce thriller palpitant, trouvant l'un de ses plus grands rôles. A l'opposé des figures féminines acariâtres, envieuses et manipulatrices, son visage angélique exhibe la fragilité émotionnelle. Elle s'affirme toujours le regard évasif mais son autorité impressionne. Encore une fois, "Des pas dans le brouillard" tente, innove et tape juste. Un thriller qu'il est urgent de faire redécouvrir.