"Des plans sur la comète"... On sait d'emblée qu'il sera question de rêves, et plutôt inaccessibles que tranquillement réalisables, puisque fondés sur le passage hypothétique d'on ne saurait quelle comète...
Le film s'ouvre au son d'une fanfare mexicaine lancée à fond de train et, pour toute comète, on voit passer et repasser, tourner en rond dans la nuit d'une banlieue pavillonnaire modeste, une fourgonnette traînant une caravane à peine aussi grande qu'elle. La bande son révèle la conversation qui agite l'habitacle : une dispute. Les deux comparses sont audiblement égarés et la musique tonitruante ne les propulse que vers un but hautement incertain. Jeu sur le décalage, le grotesque, le dérisoire, l'absurde... On pourrait se croire dans un film belge...
La suite se déroule à l'avenant : on assiste aux magouilles de deux frères pas totalement escrocs, mais cabotant de petit mensonge en petite arnaque et tentant, plutôt mal que bien, de survivre, en entrepreneurs tous travaux médiocrement équipés. L'amour se mettra de la partie, lançant Michel (Philippe Rebbot) à la recherche de bonnes ondes et de petits bonheurs à deux ; et Franck (Vincent Macaigne), flanqué d'une collègue revancharde (Hafsia Herzi), sur la piste de félicités plus matérielles, procurées, par exemple, par le vol puis la revente d'une bétonnière hors de prix.
Les dialogues sont vifs, amusants, surtout lorsque le personnage de Rebbot se livre à une parade amoureuse en forme de délire ésotérique, parade à laquelle la femelle convoitée (Suzanne Clément, que l'on a souvent vue chez Xavier Dolan) semble répondre au-delà de toute espérance. Le réalisateur, Guilhem Amesland, dont c'est ici le premier long-métrage, sait créer des situations saugrenues, dont le rire jaillit, et mêler au rire une pointe de tendresse, mais toujours décalée, par exemple lorsque, en pleine dispute, Franck exige de son frère "un câlin", pour mettre fin au conflit.
Par-dessus tout, on se réjouit de retrouver Philippe Rebbot, pour la première fois dans un rôle à sa mesure depuis le superbe "Mariage à Mendoza" (2013), d'Edouard Deluc. Son visage, mobile et expressif au-delà du jeu, rend crédibles les situations les plus invraisemblables et leur confère une humanité très émouvante.
On aura ainsi vu des êtres modestes, mais qui se débattent et tentent de s'arracher à cette humilité, dans un film joyeusement enlevé, qui parvient, sur un ton léger, à rendre hommage à toute la grandeur et toute la misère de l'humaine condition.