Adaptation du célèbre livre de Steinbeck, Des Souris et des Hommes est un drame qui brisera les cœurs tendres de la salle. Voici donc les mésaventures d'un duo d'amis de toujours, Georges, l'américain prolo de basse extraction qui gagne sa vie à force de suer au travail, et Lennie, un handicapé mental ultra touchant, bloqué à l'état de très grand enfant de 2m et à la force colossale cassant tout sur son passage (par amour démesuré, et ne comprenant jamais sa faute). Les deux compères se trouvent un petit boulot dans une ferme, mais les ennuis se cachent toujours dans un coin de la valise : voici que le fils du propriétaire prend en grippe le binôme, qu'à l'inverse Madame sa femme les trouve très à son goût, et que le passage du vieux chien est une métaphore préfigurant le final qui nous déniaise d'emblée, nous arrache le cœur une première fois pour mieux nous préparer à la fin. On ne se remettra jamais de voir
ce petit vieux attendre sans mot dire que son fidèle compagnon cacochyme se fasse descendre, "car il ne peut aspirer qu'à la souffrance le reste de sa vie", et finalement s'effondrer en sanglots quand le coup de feu retentit au loin...
Les joues mouillées n'ont pas le temps de sécher, que l'on voit se profiler le final bouleversant, dans lequel
Lennie, en essayant de repousser les avances de la femme du fiston du proprio, l'étouffe mortellement, et est traqué par les hommes du ranch. Une seule solution, pour ce "chien qui n'aspire qu'à la souffrance pour le reste de sa vie" (Georges comprend bien qu'il risque au mieux une condamnation à mort où ce dernier paniquera, ne comprendra pas, et au pire une vie en prison totalement inadaptée à son handicap...),
une seule, qu'on a déjà testé au milieu du film, et qu'on redoute encore plus de voir une deuxième fois. Le scénario étant tiré du magnifique livre de Steinbeck, on revient donc en boucle au début du film, avec tous les éléments narratifs qu'il a planté en amont, choisissant déjà
l'endroit de la mise à mort (le lieu où Lennie doit revenir "en cas de problème"), et nous ayant habitué à l'histoire des "lapins de Lennie", une histoire qui le détend, le rassure, lui fait penser à autre chose tandis qu'en arrière-plan on voit un pistolet sortir de la ceinture de Georges, en pleurs (lui aussi, on sera deux)...
Inutile de verser dans les grands discours lacrymaux, Des Souris et des Hommes ravage en un plan, ne voit pas l'intérêt de sortir les violons en BO et d'appuyer la tristesse de son propos, quand il peut juste nous renverser le cœur avec un petit vieux qui s'effondre et
un handicapé mourir des mains de son meilleur ami car l'époque n'est pas encore adaptée à lui...
Plus qu'une simple histoire de deux amis qui travaillent dans une ferme et s'attirent des ennuis, Des Souris et des Hommes parle sans détours des prolos qui passent de maison en maison pour grignoter ce qu'ils peuvent (comme les souris), de l'handicap dans un temps où il n'était pas accompagné, de l'euthanasie de dernier recours, de l'amitié au-delà de la raison, de compassion et de bienveillance envers ceux qui n'ont pas la chance d'avoir toute leur tête... Ceux-là qui méritent d'avoir leurs lapins, des blancs, des marrons, des noirs...