L'histoire des unités "Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée" (FTP-MOI) et de Missak Manouchian est revenue dans l'actualité à l'occasion de son récent transfert avec sa femme au Panthéon, suscitant à cette occasion quelques remous au creux de débats stupides et rances sur le thème "le bon immigré versus le mauvais immigré", comme inspiré par un sketch des Inconnus. Ce documentaire un peu vieillot de Mosco Boucault permet à l'inverse de parcourir plus en détails ce qui se cache derrière la fameuse "affiche rouge" et la campagne de propagande anticommuniste et antisémite allemande de 1944, en réponse aux activités qualifiées de terroristes sous Vichy du groupe "Manouchian-Boczov-Rayman".
Avec la voix de Simone Signoret (entre autres) comme narratrice, Des terroristes à la retraite se segmente selon deux principaux axes : un descriptif de cette partie de l'histoire de la résistance sous occupation allemande, orchestrée par un groupe constitué de juifs pour la plupart, communistes et autres étrangers, qui finiront fusillés en février 1944, et des témoignages des survivants 40 ans plus tard. À noter qu'à l'époque de sa diffusion à la télévision, le docu avait généré une polémique — dont il ne reste pas grand-chose aujourd'hui — suite à des accusations de Mélinée Manouchian (basées sur une interprétation apparemment erronée des derniers mots écrits par Missak qui mettraient en cause Boris Holban et le PCF : "je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal, sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus", ces derniers faisant référence à Vichy et sa police).
Le titre provocateur joue avec une certaine malice de cette association un peu improbable, puisqu'on aura l'occasion à de nombreuses reprises de voir ces anciens résistants jadis considérés comme terroristes raconter des histoires de guerre tout en travaillant (ils sont tailleurs, fourreurs, etc.). Ils avaient quitté Pologne, Roumanie, Hongrie ou encore Arménie pour fuir les persécutions antisémites dans les années 1930 mais ils se retrouvèrent confrontés aux mêmes menaces une décennie plus tard. Longtemps paralysés et un peu déboussolés par le pacte germano-soviétique de 1939, certains vécurent l'invasion de l'URSS par l'Allemagne en 1941 comme un soulagement, les autorisant moralement à entrer dans la guérilla clandestine et attaquer officiers et convois allemands. Comme le raconte un intervenant, "Il est devenu évident que tout juif pouvait être considéré comme un condamné à mort en sursis. Nous avons transformé la résignation en volonté de combat".
C'est à la fois intéressant et drôle, avec le recul, de voir ces vieux nous parler de cette organisation cloisonnée en différentes unités et surtout de la partie artisanale de leurs activités terroristes, à commencer par la fabrication de bombes et le maniement des armes. Ils expliquent en reproduisant les gestes dans toute l'approximation de leurs corps vieillis les techniques pour lancer les explosifs (il y a un petit côté docu-fiction qui ne se prend pas au sérieux, sur un sujet éminemment sérieux, je trouve l'effet produit vraiment cocasse), ils abordent leur maladresse notoire et leurs grandes incompétences en matière de lutte armée, au moins initialement. Et ils expriment cette rancœur contre les nazis qui s'est atténuée sous l'effet du temps, mais qu'ils emporteront manifestement dans leurs tombes, dénuée d'héroïsme mais emplie de détermination.
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