Descartes
7.2
Descartes

Téléfilm de Roberto Rossellini (1974)

Cela fait un bout de temps que je repousse le visionnage de ce film ; il faut dire qu'un biopic sur Descartes n'est pas ce qu'il y a de plus bandant, surtout lorsque ça dure 2h30. En même temps, j'aime la philosophie, j'aime ces gens qui se prennent la tête pour pas grand chose, mettent au point une logique qu'un autre réfutera pour mettre en avant ses propres théories...


Et c'est sans doute cet amour pour la philosophie qui m'a fait aimer ce film. parce que tout le scénario est propice à la pensée de Descartes. Parfois par le biais de mises en contexte de ce qu'il pense, parfois par la lecture directe de ses écrits. Mais plus encore, j'ai apprécié le film pour son écriture simple : on a ici un objectif (Descartes annonce assez vite qu'il veut mettre par écrit ses pensées, mais qu'il a besoin de temps pour réfléchir) et des conflits (cette difficulté justement de mettre la pensée par écrit, cette volonté de toujours pousser plus loin sa pensée, mais aussi la confronter à d'autres pensées, se retrouver face à des gens qui ne sont pas d'accord) ; dit comme ça, on pourrait croire que le film est narré comme un film d'aventure alors que pas du tout : tout se fait par la parole ! Descartes, ses adjuvants et parfois ses opposants discutent dans la plus courtoise cordialité. J'aime aussi ce personnage, car Descartes est ici bel et bien réduit à un simple personnage dramaturgique : il est l'homme raisonnable, celui qui déclare à la fin qu'il est celui qui pense, donc celui qui est. Tout au long de l'histoire il essaie de tout rationaliser, notamment par le bais des mathématiques dans un premier temps. Le fait qu'il commette des erreurs nous montre ses limites et le rendent encore plus intéressant. J'avoue qu'en lançant le film, je craignais qu'on ne tombe dans les tics habituels liés au genre du biopic (éparpillement thématique, surnombre de sous-intrigues) : et bien non, le scénario est d'un minimalisme exemplaire et les auteurs ont vraiment réussi à ne se focaliser que sur un thème, si bien que ça aurait pu être n'importe quel autre personnalité (bien sûr, le traitement est adapté, on retrouve ici ses écrits transposés).


Scéniquement, c'est très simple, très répétitif. Le réalisateur filme presque tout en plan séquence, inclut de temps en temps quelques contre-champs ou autre inserts, mais se contente la plupart du temps d'un cadrage qui subira zoom et dézoom, recadrage, quelques petits travelings afin de suivre les déplacements des acteurs ou pour mieux situer un lieu. Les zooms, surtout pourront agacer car ils se ressemblent tous. Mais en même temps, cela suffit à donner de la vie, à rendre le film plus riche. Si le réalisateur ne changeait pas de temps en temps la valeur de plan, le film paraîtrait mou et plat : ses mouvements, même s'ils sont très convenus, presque automatiques, mettent au moins en avant ce qui est dit (exemple, un zoom lorsque Descartes est en train de dire quelque chose d'important). De cette manière de faire découle forcément un jeu exigent où les acteurs doivent être capables de réciter leurs longues répliques sans une once d'hésitation. Et là je dis chapeau, surtout que ce n'est pas le genre de texte toujours aisé à retenir. Je pense qu'au niveau des mouvements, globalement épurés, les acteurs ont eu une certaine marge de liberté, ce qui leur permettait de se focaliser sur le corps et le texte. Le corps, parlons-en : tout le monde est stoïque dans ce film. Les gens écoutent comme on n'écoute pas en réalité : ils regardent l'interlocuteur sans broncher d'un sourcil. C'est un peu surréaliste. Le plus intéressant, c'est Ugo Cardea, qui interprète un Descartes curieux mais sage, enthousiaste mais stoïque. Il est bizarre ce type, se dit-on. Enfin, il y a cette musique plus qu'inquiétante qui donne au film des allures de film d'angoisse, comme si Descartes allait ouvrir notre monde sur un univers fantastique.


Bref, "Cartesius" est un film un peu étrange mais où l'on retrouve malgré tout les composantes d'une narration classique ; son sujet et son traitement m'ont fait passer un bon moment même si, il est vrai, le film est un peu long et redondant par moment (j'ai beau avoir aimé toutes ces discussions, au final c'est toujours la même chose qui en ressort et ça n'est jamais qu'un prétexte à énoncer la philosophie de de Descartes ; dans le fond, le film est une belle introduction pour quiconque souhaiterait s'intéresser à ce philosophe).

Fatpooper
7
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le 17 mars 2016

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