Déserts
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Déserts

Film de Faouzi Bensaïdi (2023)

La dernière édition de la quinzaine des cinéastes (et non plus réalisateurs) a été l’occasion de découvrir nombre réalisateurs et œuvres qui seraient sinon probablement tombés en dehors mon radar. Ici Déserts faisait partie de mes découvertes, plus ou moins à l’aveugle, et si j’ai énormément de choses à redire sur le résultat final, ce dernier m’a mine de rien laissé de nombreux souvenirs, que ce soit pour son côté inachevé, que ses idées esthétiques plus ou moins fructueuses.



Désert c’est avant tout l’histoire de deux hommes d’affaire, du moins, c’est que qu’on pourrait présumer à leurs belles chemises : Mehdi et Hamid. Leur boulot ? Faire chier les gens et se faire chier à les faire chier. Ces derniers travaillent en effet dans une agence de recouvrement qui les envoie aux quatre coins du Maroc pour rendre des comptes aux mauvais payeurs. Et voici donc le principal fil rouge de l’intrigue de ce Déserts : les pérégrinations de nos deux amis (que l’on va apprendre à connaitre sur le tard) à la rencontre de ce que leur cheffe leur dit de voir, essayant désespérément de retirer quoique ce soit de ce qui sont principalement des hommes sans le sou, écrasé par des problèmes personnels ou économiques. Comme ça on pourrait se dire que c’est bien chiant et déprimant, sauf que son réalisateur, Faouzi Bensaïdi, offre avec ce concept un état des lieux de la société marocaine où l’ironie voire la farce n’est jamais loin. Jouant sur un comique de répétition, des dialogues plus ou moins burlesques et des situations par moments bien emmerdantes, cette virée dans les déserts marocain réussit à faire bien rire tout en étalant de nombreux problèmes et inquiétudes autour de la société qu’il dépeint. Sauf qu’arrive le premier problème majeur de Déserts, c’est sa répétitivité. Ce fil rouge n’est que trop peu malmené par la situation intime des deux protagonistes, lors de leurs courts haltes à Casablanca, et au final si Déserts reste un film proprement corrosif, cette acidité dans son discours en devient moins fort quand, pour la énième fois, l’on nous présente une scène avec La même recette narrative et esthétique derrière. C’est rarement désagréable, mais un peu chiant sur les bords il faut l’avouer. D’autant plus qu’au-delà de son écriture, le film réussit à digérer correctement ses références en termes de mise en scène, puisqu’on est selon moi pas loin d’une parfaite fusion entre le sens de la symétrie et colorimétrie d’un Wes Anderson, et à côté le cadre fixe et burlesque d’un Roy Anderson, le tout en capturant les sublimes paysages du Maroc, en jouant sur les terrains vallonnés, l’aridité du territoire, un format large, etc. Il y a une vraie réappropriation de ces codes, pour offrir un rendu graphique vraiment intrigant et parfois époustouflant, que ce soit des scènes plus intimes alors que la pdg de la compagnie organise une réunion (scène proprement lunaire et hilarante) que lorsque nos deux amis sont perchés sur une montagne rocheuse et contemplent l’immensité du désert. Dans ces scènes, le réalisateur arrive toujours à jouer avec son décor, sa fixité, pour capter des émotions variées permettent de tenir sur la longueur la narration un poil bancale de Déserts.



J’avais écrit tout à l’heure que le récit de Déserts est trop linéaire et répétitif, eh bien je vous ai caché quelque chose. Sans ne rien dévoiler, le film et ses personnages dérivent petit à petit de leur objectif pour tomber dans l’errance, commencer à se raconter des histoires, et s’ouvrir au spectateur dans leur intimité. Le film va commencer en parallèle à suivre un voleur, subissant le système marocain autant que nos deux compères finissent par rejoindre des groupes de migrant. Je n’en dirai pas plus, mais le quotidien doux-amer dans lequel le film m’avait embarqué se transforme subitement en errance intime et politique. Entre la projection à la quinzaine et la sortie actuelle, le film a été coupé de 10 minutes, je ne sais pas en quoi, pourquoi et comment, mais je parierai sur ce dernier quart qui m’a personnellement complètement perdu, n’amorçant jamais réellement de transition de ton ni de contexte, en plus de ne pas prendre par la main son spectateur avec un rythme encore plus lent que précédemment. Cette dernière partie était plus ou moins surprenante était risquée, et malheureusement le jeu n’en n’a pas valu la chandelle, bien qu’elle offre, comme depuis le début du film, de très belles images, particulièrement en voiture, mais surtout une dose de liberté qui à la longue finit par créer des émotions plus fortes que l’indifférence dans laquelle j’étais à deux doigts de plonger. D’autant plus que plus que jamais, les comédiens donnent tout de leur personne, eux qui avaient déjà une alchimie parfaite, toujours en nuance entre le chambrage et l’entraide ; ils évoluent avec le récit, devenant des laissés pour compte, comme les paysans qu’ils devaient jusque-là carotter. On peut dire que même dans ses tentatives les plus infructueuses, Déserts a au moins ça, un casting proprement attachant et dirigé avec maitrise, en plus de laisser la parole aux plus démunis, aux gentilhommes des campagnes les plus reculées du pays. Finalement on peu au moins retenir ça de Déserts, aussi mal équilibré soit-il dans ses nombreuses thématiques, donner la parole à ceux qu’on n’entend jamais, dans un contexte pourtant universel (le monde des impôts) mais un décor rafraichissant et filmé avec maitrise. Dommage que le travail d’écriture soit aussi défaillant, ruinant pas mal des efforts du réalisateur, mais qui à la longue, offre une œuvre proprement imparfaite mais pleine de d’idées, de tentatives et parfois même de réussites qui font valoir ce semi-road-trip désenchanté.



Brouillon dans son écriture alors que plutôt captivant dans ses efforts techniques et esthétiques, Déserts et un film à la fois frustrant dans ses échecs et prenant dans ses réussites, toujours le fruit de risques dont les grands gagnants restent ses comédiens qui portent un métrage exigeant mais imparfait bien qu’il ne laisse pas de marbre.

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le 20 sept. 2023

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