Unrueh est un film particulier; Le rythme est très lent, sentiment venant de la longueur des scènes, du peu de coupes effectuées, du scénario qui ne se développe pas vraiment et des langues parlées. Si cela pourra en rebuter certains, d'autres comprendront que le film joue là dessus et que ce qui pourrait passer pour un défaut permet en réalité une symbolique importante. L'apparente immobilité de tout ce que l'on voit cache un mouvement omniprésent, bien sûr je parle ici du thème de l'anarchie mais aussi de l'analogie avec les montres; objets inertes qui pourtant renferment une multitude de vibrations, d'oscillations et de vie.
Les personnages se conforment en apparence aux exigences de la fabrique, dans un travail ou le maître mot est production et rapidité, alors qu'en réalité ils prennent le temps qu'il faut pour bien faire et faire bien. Même si l'histoire se passe dans le passé, beaucoup de ses thèmes restent d'actualités et habitant moi même dans ce vallon, je peux témoigner que l'état d'esprit et surtout la façon d'être des personnages ont de l'écho sur le présent.
Le premier point fort du film est donc la retranscription d'une circonstance, d'un contexte et d'une philosophie particulière. Le deuxième est dans la composition des images; Quasiment l'intégralité des plans sont fixes et avec une longue focal. Le rendu est très intimiste, on a l'impression d'écouter de loin une discussion privée, comme si nous étions dans le secret des relations tout en ayant conscience d'être un observateur extérieur. D'un point de vue photographique, l'image se construit énormément en suivant la règle des tiers, la géométrie et la perspective sont à l'honneur et celui que ces choses intéresse pourra reconnaître le génie de ce travail. Surtout sur un plan se déroulant dans un bâtiment de deux étages ouvert par le milieu; La caméra est au deuxième en plongé donnant sur une sorte de comptoir, les piliers, balustrade et autres éléments du décor se jouent de la verticale, de l'horizontale et des diagonales pour un rendu fantastique digne d'un tableau étudié et choisi.
Tous les acteurs ne sont pas excellents sans être mauvais pour autant. Parmi eux on remarquera deux gens d'armes , sorte de version suisse de Dupond et Dupont et de Laurel et Hardy qui ne manqueront pas de vous faire sourire plus d'une fois rien que dans leur manière d'être, et Clara Gostynski, avec une présence folle dans les scènes ou elle apparait même de façon discrète, beaucoup de charme bien entendu, mais également la capacité de communiquer à travers le silence. Il y a notamment une scène magnifique vers la fin ou son personnage, Joséphine, explique son métier et plus généralement le fonctionnement d'une montre, un moment très doux et non sans poésie.
Allez voir Unrueh pour la beauté des images, pour la condition qu'il décrit, pour voir le subtil et la symbolique, pour prendre le temps d'avoir le temps. N'y allez pas si vous êtes pressés, si vous voulez consommer ou si vous voulez voir sans regarder.