J'avoue que je n'ai pas compris le délire du réalisateur Cyril Schäublin (le mec a du talent à revendre, il a une patte personnelle intéressante, comme je vais le faire comprendre par la suite, donc je ne suis pas en train de le descendre, juste de chipoter sur un truc !) de filmer en donnant l'impression qu'il prépare sa caméra à exécuter un plan américain pour la remonter d'un coup de quelques centimètres avant de dire "action !". Cela fait un effet bizarre. Peut-être voulu, je n'en sais rien. Bon, bref, je ne vais pas m'attarder dessus. D'autant que j'ai bien aimé ce film, peu banal et se prêtant fort à l'analyse, venant de Suisse.
Bon, l'action se déroule vers la fin du XIXe siècle, à l'aube de l'explosion du capitalisme et de celle de divers mouvements anarchiques. C'est ça qui est exposé tout du long de cette œuvre d'atmosphère dans laquelle on croise et on recroise des personnages d'un camp ou de l'autre, le tout sur fond d'une usine d'horlogerie, dans laquelle les ouvrières doivent se soumettre à des cadences (le temps, c'est de l'argent !), préfigurant ainsi le travail à la chaîne.
C'est l'obsession du temps qui contamine le récit. Rares sont les plans dans lesquels n'apparait pas une montre à gousset ou un cadran ou, même, tout simplement, un échange de répliques à propos... vous l'avez deviné... du temps.
Il y a aussi une multitude de références à la photographie. Cette invention qui fige et immortalise... le temps, mais qui, en le faisant, permet de ne plus y être totalement esclave. Et cela vaut bien quelques centimes ou francs (ben oui, presque tout se paye dans une société capitaliste !).
J'ai parlé précédemment d'opposition entre les tenants du capitalisme et ceux de l'anarchisme. En fait, l'ensemble est une suite de confrontations entre ces deux camps. Reste que, comme on est en Suisse (point de jonction cosmopolite dans lequel on peut parler, parfois au sein d'une même séquence, français, allemand, anglais ou russe !), il n'y a pas le moindre mot qui soit plus haut que l'autre. Quoi qu'il se passe, les rapports conservent une placidité, une politesse à toute épreuve. Une ouvrière doit aller en prison pour non-paiement de ses impôts. Ceux qui l'arrêtent n'en oublient pas pour autant de lui souhaiter une bonne journée. D'autres se font virer pour être en lien avec des groupes révolutionnaires ? Pourquoi s'énerver ? Voilà. Ce ne sont que deux exemples parmi tant d'autres.
Mais il y a une petite chose pas désagréable et charmante pouvant échapper, du moins fugitivement, au temps et au capitalisme, s'appelant l'amour. Dans cette optique, sans trop en dire, la fin est belle.
Bref, ce long-métrage est suffisamment original et réflexif pour marquer et ne pas laisser indifférent.