Un film pour le moins déroutant et qui me rappelle, sous des aspects bien particuliers, certains films de Herzog. Non pas dans la thématique, ni dans leur place dans le renouveau du cinéma allemand, mais (et c'est peut-être lié) plutôt dans l'état dans lequel ils m'ont laissé, pour le moins déstabilisant. À mesure que la narration déroule son fil, le sous-texte se dévoile, comme des obstacles sur une route au brouillard épais. Si le fond que j'ai entrevu me paraît passionnant, du peu que je puisse en juger, la forme (le support du message, disons) m'a en revanche pas mal rebuté. Une de ces expériences étranges, dans lesquelles on s'embarque sans comprendre ce qui se passe et dont on ressort un peu lessivé : j'ai la sensation qu'il ne m'a pas manqué beaucoup (si tant est qu'on puisse dire que quoi que ce soit fasse vraiment défaut, et que l'ajouter ne dénature pas le film) pour pleinement accrocher.


L'ambiance, déjà. L'Allemagne de 1929, encore plombée par le poids de la reconstruction de la Première Guerre mondiale, la pression économique des pays vainqueurs, et le choc pétrolier qui fait vaciller Wall Street ("the whole street collapsed?", dit la femme peu à l'aise avec l'anglais : joli fou rire en introduction). Le contexte historique ne sert vraiment que de toile de fond, à peine esquissée, mais il prendra une importance tout autre à mesure que le film file vers son but.


Le labyrinthe que semble constituer l'existence du protagoniste, un bourgeois berlinois héritier de l'industrie du chocolat exilé de Russie, est un dédale de projections mentales plutôt déroutant. Ambigu, sophistiqué, presque psychédélique, son univers pétri de névroses est retranscrit de manière tout aussi singulière pour donner corps à ses interrogations : des fantasmes divers autour du double et de la disparition. Mais tout cela forme une nébuleuse assez obscure à mes yeux, qui me laisse parfois un peu de marbre. J'ai même parfois perdu le fil des successions du schéma du double, et des innombrables reflets indirects de la réalité (hormis quelques passages explicitement oniriques, comme par exemple à la fin suite à la mort de son double).


J'ai par contre beaucoup aimé, en mode mineur, la gestion des couleurs (le violet notamment, comme pourrait presque le suggérer cette curieuse affiche). Et, bien sûr, toute la thématique autour des troubles de la personnalité qui font passer les bourreaux pour des victimes, qui produisent des identifications infondées et du chaos, et qui empêchent toute véritable prise sur le réel. L'allégorie finit par prendre corps : le destin qui se forme et se trouve dans le sang, un peuple qui cherche à renaître à travers un certain sacrifice. L'allusion au régime nazi (formant à ce titre un étrange diptyque avec "Le Mariage de Maria Braun", comme avant / après la guerre), très métaphorique, finit même par laisser une certaine impression de malaise. Les nazis vus comme la seule option permettant au pays de se relever, mais qui se révèlera être un immense délire.


C'est une vision du basculement de la société allemande pour le moins troublante.

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le 16 nov. 2017

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Morrinson

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