Une seconde à l'écran, traditionnellement, c'est 24 images, des standards qui ne sont trahis que pour de rares occasions, en fonction des formats et de la diffusion. Le cinéma, après tout, serait "24 fois la vérité par seconde".
L'animation est une de ces exceptions. Elle permet ainsi, en fonction des moyens employés, de jouer avec ces normes: il est possible de doubler les plans pour économiser du temps et/ou de l'argent et des dessinateurs, mais aussi de prendre le parti-pris d'une animation moins fluide, plus saccadé, en ne montant qu'une dizaine de dessins à la seconde.
Pourquoi en parler? Parce que Destino, court-métrage produit par Disney et fruit de l'imagination de Salvador Sali, a connu une très longue période d'hiatus, comme vous avez sans doute pu le lire dans n'importe quelle critique traitant du film. Ainsi, alors que la production prend une pause en 1946 suite aux importantes dépenses et au contexte pas des plus réjouissants de l'après Seconde Guerre - à laquelle Disney a participé à sa façon en fournissant bon nombre de Silly Simphonies- Destino n'est projeté pour la première fois qu'en 2003, après un travail de reconstitution et d'improvisation long de quatre ans - Le projet ayant été relancé pendant l'élaboration de Fantasia 2000-.
Une réalisation qui trouvait son fondement sur l'équivalent de 17 secondes de Salvador Dali. Sur un court-métrage de six minutes, il est aisé de réaliser à la fois l'importance du projet pour l'artiste et son implication sur un an, mais aussi la part considérable du travail qui restait à accomplir à la reprise du dossier.
La question de la paternité du peintre sur le film est ainsi à poser, mais la réponse ne fait pas de doute. Malgré l'apport quantitatif ridicule de Dali au projet, celui-ci est bel et bien issu de son univers. Ça, ( http://img4.hostingpics.net/thumbs/mini_456478293.png ) ou ça ( http://img4.hostingpics.net/thumbs/mini_754315424.png ), ne sont que deux exemples attestant de la ressemblance très proche entre Destino et les toiles de Dali. Le film regorge des thèmes chers au peintre, qu'ils soient esthétiques ou plus abstraits et c'est là sa plus grande force. Destino est une succession de toiles, racontant les mêmes histoires sur le temps, la relativité et la fatalité - pour ne pas répéter à outrance le terme de destin- que les autres travaux de Dali.
Seulement, ce serait trop facile pour faire un film. Si l'animation est parfois magnifique, elle souffre le plus souvent d'un grand manque de fluidité. Des esquisses de 1946 à la réalisation de 1999, ce ne sont pas forcément la plus ancienne qui souffre le plus, tant les textures et les mouvements paraissent aujourd'hui d'une autre époque, celle d'une utilisation à outrance d'une numérisation pas forcément nécessaire. - Destino paraît assez faible finalement, offrant quelque plans magnifiques mais aussi une narration et une réalisation laborieuse. Assez difficile de lui attribuer une note, tant la sensation est présente d'avoir assisté à une visite guidée d'une exposition, présentée honnêtement mais maladroitement.
L'histoire de la rencontre entre Dali et Disney est belle, très belle et figure très bien dans les dîners mondains - à condition que l'audience ne connaisse pas déjà l'oeuvre, sinon ça serait un joli pétard mouillé-. Mais comme la plupart des grandes rencontres artistiques, on se souviendra plus du récit de sa production, que du film en lui-même.