L’uppercut du 69e Festival de Locarno, au propre comme au figuré, est venu du réalisateur japonais Tetsuya Mariko. Destruction Babies évoque, dans la petite ville portuaire de Matsuyama, la folle échappée d’un jeune adulte amateur obsessionnel de bagarre. Dans un contexte d’empoignades quotidiennes entre gangs, et alors qu’il s’ennuie ferme dans un quotidien morose, Tara sillonne les rues à la recherche de passants à castagner pour le fun, quitte à subir quelques passages à tabac mémorables quand il tombe sur plus costaud ou plus nombreux que lui.
Le film saisit par la violence gratuite – et explicite – de ce personnage effrayant parce qu’incontrôlable, sorte de monstruosité sociale. Mais le malaise vient moins des agissements absurdes d’un individu que de l’apparente démission des autorités, toujours en retard et incapables d’interrompre la violence contagieuse de Tara.
À quoi s’ajoute le succès immédiat des images que Yuya, complice rencontré en route, met en ligne au fur et à mesure qu’il les filme en riant comme un gamin hystérique. Il suffit donc de tabasser une douzaine de passants dans un centre commercial pour devenir une star du web, et ainsi donner un embryon de sens à son existence. The medium is the message, comme disait l’autre…
La violence contre l’espace public
Pourtant, chaque année, une fête traditionnelle permet aux habitants de Matsuyama de laisser libre cours à leurs pulsions, canalisant ainsi la violence dans un exutoire ritualisé. Les irruptions de brutalité de Tara, imprévisibles, constituent dès lors un effrayant revers de cette tentative de contrôle des pulsions individuelles par le collectif.
Surgissements de violence dans des lieux pacifiés, les agressions commises par Tara et Yuya portent en elles quelque chose d’un retour à l’état de nature. Elles opèrent une remise en cause profonde et dérangeante de l’ordre social, parce qu’elles contestent un fondement de la civilisation : l’existence d’un espace public, c’est-à-dire d’un ensemble de lieux où chacun peut circuler sans risques pour son intégrité.
En somme, un film fort et dérangeant.