Au tournant du 20e siècle, une jeune veuve, Lucy, décide de fuir Londres et surtout ses pénibles belle-mère et belle-sœur. Elle tombe littéralement amoureuse d'un cottage en bord de mer, dont le charme tient en partie à la présence du fantôme du précédent propriétaire, un vieux loup de mer aussi élégant que bourru. Mankiewicz, pas encore célébrissime, adapte le roman de R.A. Dick - pseudonyme assez suggestif de Josephine Leslie - et fait souffler un vent de féminisme sur les années 1940.
Car le fantôme qui apparaît à Lucy ressemble fort à sa propre conscience, et son désir d'émancipation avec. Loin de la société victorienne, de son hypocrisie et surtout de sa profonde misogynie, la jeune femme va se réinventer grâce à la présence - réelle ou rêvée, peu importe - de ce personnage inattendu. Celui-ci la pousse à s'affirmer, c'est-à-dire à voir plus loin - difficile de passer à côté de la métaphore du télescope braqué sur le large, par ailleurs aussi un brin phallique : tout y est.
L'affirmation de soi passera par l'art, ce qui n'est pas plus mal, et par la solitude : on ne s'affranchit pas comme ça, en 1900, du sexisme ambiant.
Ce qui n'empêche pas le film, tout en moquant le romantisme mièvre des comédies sentimentales habituelles, de conserver une tonalité optimiste qui en fait un manifeste aussi beau que réjouissant.
[La version longue ici.]